mercredi 5 février 2020

86 aM - journal / notes / citation / image / OS Dogwalking / chrono






mercredi 5 février 2020
Aujourd'hui fut un jour oui. Des pensées, elles passent, je les laisse sombrer dans l'oubli, je ne note pas. Pourquoi l'impulsion de noter au fur et à mesure les idées me manque-t-elle désormais? Sinon: ranger la vaisselle dans les placards prévus à cet effet, éplucher et couper et cuire des légumes, les mixer en vue d'établir une substance soupe... Ces gestes ont à voir avec l'inénarrable de la condition humaine. Un type sonne à la porte, il a réparé le toit, il y avait une fuite, je sais bien, mais en fait ce n'est pas réparé, ça va continuer à fuir, cet élan vers l'infini me parle, j'opine du chef, je fais l'être humain quand, à vrai dire, je suis assis quelque part sur une exoplanète et regarde les mots sortir de la bouche de ce monsieur à la manière d'un extraordinaire évènement qui relègue le sens de ces propos au dernier plan. C'est un peu immoral sans doute.

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La nuit, les murs qui bordent la rue sont troués. Des fenêtres et des portes, des portails aussi parfois. La nuit, des seuils restent ainsi, sans plus. Je les longe souvent. C'est comme ça. On le sait.

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Mais là commence un autre livre, -- où se perd le sens et la prétention de celui-ci... 
Francis Ponge, La seine, Tome premier, Gallimard

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Carte de mon nerf rationnel le 23 janvier 1992
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Original Soundtrack dogwalking - playlists en mode aléatoire - promenade du soir.
Olivier Greif, Sonate pour piano N°22 Les plaisirs de Cohérence, Op.319/ II. Tombeau de Monsieur de de Clachaloze
Pixies Where is my mind?
Corelli, Sonate a 3 in B-flat major, Op.1,N°5
Aphex Twin, Next Heap With
Handel, Trio Sonata in D Minor, Op.2 N°1, HWV 386b: III. Andante
UCC Harlo, Palimpsest / Too Near

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J'ai oublié d'enclencher le chronomètre... Mais il est évident que j'ai dépassé les vingt minutes que je m'accorde pour écrire cette page... Ne faudrait-il pas que j'ajoute cinq minutes ?

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lundi 3 février 2020

84 aM - journal / notes / image / OS dogwalking / chrono








lundi 3 février 2020
Aujourd'hui fut aujourd'hui c'est peu dire. À la maison encore. Gardé la petite, grippée, fatiguée, dormante. A. à son boulot, de 8h à 18h. Pommes de terre carottes vapeur, avec des restes, dont poireaux vinaigrette aux saveurs fascinantes. Monopoly. Dogwalking. Il y aurait beaucoup à écrire sur cette entreprise qui consiste à promener son chien trois fois par jour. Des heures plus narratives qu'à l'ordinaire. Sans doute est-ce induit par le caractère minimaliste de la journée: rester à la maison, pas grand chose à entreprendre, on sent le temps se faire alentour, il nous berce, se texture, se mêle aux différentes inclinaisons de la lumière, comme une écharpe existentielle un peu, si je puis dire. Quel luxe inconcevable que cette saisie du temps!

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Le livre Prise de vers de Pierre Vinclair est un ouvrage qui problématise l'illisibilité d'une partie de la création poétique contemporaine, dans une démarche pragmatiste: on essaie de comprendre pour lire et écrire plus en connaissance de cause. Du moins, en ce qui me concerne, l'intérêt que j'y trouve réside là, dans ce plus en connaissance de cause.
C'est assez étrange d'ailleurs de considérer que je travaille à écrire depuis une vingtaine d'années, de façon somme toute assez sérieuse et régulière, sans aucune connaissance en cohérence de la poésie. Cette passion de l'ignorance - ou plutôt du désordre peut-être... - qui m'anime, et que je revendique aussi d'une certaine façon qu'il serait nécessaire d'expliquer, il est temps sans doute d'en border un peu les contours. Ne serait-ce que pour en instruire une autre intensité.

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Les plis du temps me vêtent.

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Original soundtrack dogwalking, (Lecture aléatoire Playlist), promenade du soir :

Painkiller, One-Eyed Pessary
Slowdive, Trellisaze

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Chrono: 23:59:63
4 minutes de trop. La contrainte d'écrire cette page en vingt minutes est-elle irréaliste?

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samedi 1 février 2020

82 aM - journal / note / citation / image / chrono







samedi 1 février 2020
Aujourd'hui fut un aujourd'hui d'hiver tiède. Ma fille malade: grippée. Fièvre de haute volée. Alors on reste à la maison, on fait la garde. Commencé lecture de Prise de vers de Pierre Vinclair: structure de surface (phonique) et structure profonde (sémantique) : ok. Drôle de coïncidence : après avoir lu Logique du pire, où Clément Rosset postule un hasard constituant et par suite un art qui consiste à prélever un agencement dans le hasard généralisé (on ne crée rien, on ne fait qu'ajouter du hasard à du hasard), je découvre dans le travail de Pierre Vinclair que pour Mallarmé le vers nie le hasard; ce qui postule qu'il y a un hasard de reste, accidentel dans un certain monde donné, orienté: un hasard à corriger... Mais si je considère le vers depuis la perspective tragique, comment penser la fusion son/sens qu'opère le vers (fusion qui serait l'opérateur d'évacuation du hasard qui court entre le son et le sens...)? Il y a encore ou de nouveau - je ne sais...- trois exemplaires de l'Introduction à l'ostéonirismologie à la librairie Ombres blanches de Toulouse. 

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Tester le fond psychique d'une personne, c'est parfois accomplir son meurtre. À bon entendeur salut, comme dit le théologien.

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Pour cette raison, on peut aussi, malgré le paradoxe apparent, la nommer une science du rien
Jan Patocka, Qu'est-ce que la phénoménologie?, Millon, p 250

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Une science de vivre avec rien.
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Chronomètre: 18:37:00; contrainte tenue d'écrire cette page en moins de vingt minutes.

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mercredi 29 janvier 2020

80 aM - journal / notes / citation / image / chrono






mercredi 29 janvier 2020
Aujourd'hui fut un jour en bord de route. J'explique à un enfant que je pars plusieurs mois pour écrire.  Je ne serai plus son éducateur jusqu'en septembre prochain. Il écarquille les yeux: "Ecrivain?!" Qu'entend-il par là? Quelle phénoménale image le traverse-t-il? Bien que je ne me présente pas moi-même comme écrivain, je modère un peu les choses en restant fidèle à son énoncé : "Je suis un petit écrivain, il y en a beaucoup tu sais, des petits écrivains." Et je ressens quelque chose de bien dans mon corps. Et ce bien ressenti ce matin, il me semble depuis ridicule et vain. Affreusement inadéquat avec les secrètes, honteuses et rageuses prétentions de petit revanchard blessé qui m'animent. Ne serait-ce pas l'expression inversée d'une aigreur ? La compression adolescente d'un torse de petite envergure issu du no man's land de la petite classe moyenne provinciale ? Fichtre! Certes... mais où la volonté ? Dans quelle aporie se terre-t-elle en ma vie ?

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Lecture de Clément Rosset, logique du pire.
Chapitre TRAGIQUE et HASARD
Quatrième partie du chapitre.
Hasard et philosophie

La philosophie du hasard est une contradiction dans les termes. Le hasard ne se pense pas. Comment penser ce qui ne se pense pas? Pour les philosophes terroristes (tragiques), le hasard ne se démontre pas, il s'affirme au fondement de la pensée.
Détour par Spinoza, pour qui la nécessité n'est pas nécessaire. Ce qui rend ce qui existe nécessaire ne possède pas lui-même la nécessité. La nécessité est un blanc dans le discours, un creux, un vide: ce qu'on pourrait nommer un hasard. 
Au final, les antagonismes, hasard et nécessité, approbation et justification, sont une affaire de sensibilité philosophique.

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Les mains levées vers un point où gronde une
colère robuste. 
Pierre Reverdy, La lucarne Ovale, Théâtre typographique

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- Ah, mais quoi! Ai-je donc laissé la volonté dans ce lotissement de Carcassonne?

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Page écrite en 22:34:12
Deux interruptions pour coucher ma fille dont une à 15:02:14

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mardi 28 janvier 2020

79 a M - journal / notes / citation / image / chrono






mardi 28 janvier 2020
Aujourd'hui fut le jour d'un jour. Gardé ma fille patraque. Vu la fin des Gardiens de la galaxie 2. Pleuré au sacrifice de Yondu. Il y a quelque chose de rare dans ce film ultra formaté: les héros ont peur de se séparer, ils ont peur d'être aimés parce qu'ils ne s'aiment pas eux-mêmes : ils sont carencés et tentent de s'assumer comme tels, ensemble, en formant un groupe de bras cassés, d'esprits brisés. Peut-être peut-on voir là quelque chose de la filiation Trauma du réalisateur James Gunn? Jolie parodie badass de La mort aux trousses aussi (avec une référence subtile à la déjà parodie de cette scène dans le film de Kusturica Arizona dream, jouée par Vincent Gallo, à travers le paysage soudain très désertique et rose) ; faut pas nier cependant : c'est débile - mais jamais la débilité d'un film ne m'a empêché d'y trouver de quoi causer ma sympathie. Ce film est très sympathique. Et d'ailleurs je ne fais pas de différence réelle entre les arts élitistes et les arts populaires. 

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Lecture de Clément Rosset, logique du pire.
Chapitre TRAGIQUE et HASARD
Troisième partie du chapitre.
Hasard, principe de fête: l'état d'exception.

Théorie de l'occasion: tout ce qui arrive est une fête en miniature. (Relier cela avec l'acte créateur: se saisir d'une occasion au moment opportun). Les sophistes: révéler l'enchantement de la succession des exceptions. Fête, féérie. Ce qui existe est une suite d'occasions uniques. 
Deux indifférences liées à l'état de mort (rien qui existe en soi, rien qui soit foncièrement différent d'autre chose: tout est issu du hasard constituant; pas de nature, pas d'êtres). La première indifférence: attendre le hasard à coup sûr puisque tout est hasard: indifférence de la fête. La deuxième indifférence: ne rien attendre, si tout est hasard: indifférence de l'ennui. 
La monotonie est engendrée non par une vision du monde mais par une inversion de l'attente indifférenciée. Là où le tragique reçoit le réel comme succession de nouveautés sans règles (et cette absence de règles fait l'exception de toutes les régions de ce qui existe), motif de jubilation, le non tragique voit l'absence de règles dans la succession de ce qui arrive, règles qu'il attend pour que le monde corresponde aux idées d'ordre et de finalité qui lui semblent nécessaires. Partout le non tragique ne voit que l'absence de ce qu'il pense être vrai et justifié, d'où l'ennui, la monotonie, le chagrin. 

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Midi 
Nu sur le drap
Avec mon visage las, mes mains
Ma poitrine revêche
Sur un drap blanc à midi
Qui transperce les cloisons de béton
Et se répand sur mes chaises, mes chaussures vides
Surpris par une soudaine
Apparition hors d'haleine
Surgie des ans et des secondes d'effroi, je suis nu
Et submergé, un vieil homme
De souvenirs et de formulaires
Et ne connais ni homme ni bête
Dans leur stricte distinction
Ni les bureaux ni les censures
De la raison supérieure
Je déraisonne? Ou au contraire
Est-ce que je me sens vivre
Très loin des réunions préprogrammées
Et des rapports synchronisés
Là, je suis mort, voilà la vérité
Comme vous l'êtes à mes yeux
En ces danses serviles
Qui glacent la chair
Mais je me sens vivre, si loin de tout cela!
C'est la vérité, ô mes congénères
En ce midi soudain
Qui me traverse
Et me vide, en mon absence
Sur un drap blanc
Et me comble de sa lumineuse
Clarté. 
Volker Braun, Poèmes choisis, nrf Poésie/Gallimard
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Chrono: encore oublié de l'arrêter à temps.

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lundi 27 janvier 2020

78 aM - journal / notes / citation / image / chrono






Lundi 27 janvier 2020
Aujourd'hui fut aujourd'hui presque. Ce matin, du temps à écrire. Paragraphe sur l'ostéonirismologie métarelationnelle, courant marginal qui se perpétue encore de nos jours dans l'archipel des Açores sous une forme insulaire particulièrement baroque. Mangé tout seul dans la cuisine, des restes, presque un silence aussi jusque dans un ventre. Trois heures de réunion en pente douce et ensuite. Qu'est-ce que je fais là? Qu'est-ce que je fais là? Annoncé mon départ en congé sabbatique. Me reste dix jours de travail. 

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Lecture de Logique du pire, Clément Rosset.
Chapitre TRAGIQUE et HASARD.
Élément de définition du tragique: Tragique ne désigne rien d'autre que le hasard, si l'on considère le hasard comme constituant, englobant toutes les possibilités de hasard événementiel. Le hasard désigne le caractère impensable de ce qui existe. 

Troisième partie du chapitre.
Hasard, principe de fête: l'état d'exception.
Pas de nature mais des faits généraux. Une généralité est considérée comme une région. Ici, pas de référence, pas de capitale comme centre des régions d'où émergerait une cohérence. Seulement une suite de régions. Les régions se suivent, s'ajoutent les unes aux autres sans principe centralisateur. Il n'y a pas de tout. C'est le régionalisme tragique, différent du régionalisme rationaliste. 
Toute manifestation, régionale ou isolée, est un fait exceptionnel. Pas de critère pour différencier le naturel de l'artifice, le normal de l'exceptionnel. Tout ce qui existe est également exceptionnel. L'état de mort est aussi un état de fête parce qu'état d'exception. 

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Dans ce qui existe, rien qui vive, mais rien non plus qui soit morne. La pensée tragique, qui affirme hasard et non-être, est donc aussi pensée de fête. Ce qui se passe, ce qui existe, est doté de tous les caractères de la fête: irruptions inattendues, exceptionnelles, ne survenant qu'une fois et qu'on ne peut saisir qu'une fois; occasions qui n'existent qu'en un temps, qu'en un lieu, que pour une personne, et dont la saveur unique, non repérable et non répétable, dote chaque instant de la vie des caractères de la fête, du jeu et de la jubilation. 
Clément Rosset, Logique du pire, PUF, p 113

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- Ah, quelle douce vie tragique et festive régie par le hasard constituant!
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Chrono: j'ai oublié d'arrêter le chronomètre à la fin de l'exercice...

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jeudi 23 janvier 2020

75 aM - journal / notes / citation / image / chronomètre







Jeudi 23 janvier 2020
Aujourd'hui fut jour à toute allure. Dispensé une formation aux élèves éducateurs. Mangé seul à la cafétéria, entouré de gens ensemble. Me suis forcé à manger lentement. L'éclair au chocolat fut décevant. Douleurs au bras gauche, à la mâchoire. Peur d'un infarctus. Je regarde la Garonne comme si j'allais mourir. Il va falloir quitter cette vie merveilleuse que j'adore et qui m'angoisse. Je me dis ça, en promenant Charlie le chien. C'est ridicule. Rêverie diurne narcissique. Voilà comme on est. 

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Clément Rosset, chapitre TRAGIQUE et HASARD. 
Pessimisme de Schopenhauer: un monde régi par la Volonté n'offre aucune possibilité à l'humain de réellement exercer une volonté en propre. C'est une illusion de se considérer sujet de nos désirs. Rien n'est hasard dans le monde du pessimiste, rien ne se distingue, tout est aplani, absurde. 
En revanche, pour le philosophe tragique, tout est hasard. Chez Schopenhauer le monde est sans surprise. Chez le tragique, il n'est que surprise: infini miroitement hasardeux de ce qui existe: expérience de la perdition.
Distinction nécessaire des notions de perte et de perdition. La perte est un événement hasardeux dans un monde ordonné. La perdition est un état dans un monde régi par le hasard constituant: pas de référentiels, par de graduations, pas de différences d'ordres d'échelle. Il y a seulement des sensations qui se succèdent les unes les autres. La vie perd son caractère vivant, elle appartient à la mort. La mort est un état permanent, elle n'est pas évènementielle. La mort est l'état de ce que l'homme connaît, pense, vit.

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Comme le dit Montaigne: "Scrutateur sans connaissance, magistrat sans juridiction et, après tout, le badin de la farce." 
Clément Rosset, Logique du pire, PUF
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Pluie de nuit tragique
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Chronomètre: 28:04:01. Huit minutes de trop donc par rapport à mon objectif d'écrire ce journal en vingt minutes.

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mercredi 22 janvier 2020

74 aM - journal / notes / citation / image






mercredi 22 janvier 2020
Aujourd'hui fut un jour quand même oui. Mails, mails, téléphone. Conversations, gestes, repas, verres d'eau, rires aussi. Voilà en somme, télégraphiquement parlant. Que retenir de ce jour qui, dans quelques semaines, sera perdu dans la masse des jours passés? Une vision de la pluie sur le pont St Michel? Ma fille qui s'avance pieds nus sur le carrelage froid d'un couloir au sortir de son activité cirque? A. qui regarde les gîtes sur son ordinateur pour organiser nos prochaines vacances? Et pourtant, ce jour fut aussi important que hier ou demain, que tous les autres jours, en ceci qu'il fut précisément la scène qui m'a impliqué. Ce matin, peu avant sept heures, des hommes s'entraînent à faire des pompes sur les marches d'un escalier en bord de Garonne, ils crient, ils se motivent. Je reste perplexe tandis que mon chien lève la pâte, indifférent, dans la nuit froide.

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Retour à l'ouvrage de Clément Rosset, Logique du pire. J'ai presque fini de lire ce texte. J'ai pris du retard sur mes notes. Chapitre TRAGIQUE et HASARD.
Commentaire d'un conte de Maupassant, La nuit. L'épouvante, comme conscience d'un état de mort. La nature se révèle comme ce qu'elle est, un point de vue, et non un objet. Point de vue instable, partiel, partial. Il n'y a rien qui puisse être distingué dans l'état de mort, rien n'est plus ou moins hasardeux qu'autre chose. Tout se vaut. L'absence de nature est l'état naturel de ce qui existe. L'état de mort n'est pas opposé à l'état de vie, les deux états désignent uniment ce qui existe. Rien ne fait référence. Des organisations émergent un temps puis disparaissent, pour autant elles ne reflètent pas un principe de vie, elles manifestent une configuration de l'état de mort généralisé dû au hasard constituant. 

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C'est là précisément ce qu'affirme l'idée de hasard constituant: elle unie la possibilité de différences de niveau, réduisant toues les existences à un même niveau, les regroupant en un même ensemble-hasard à la surface duquel toutes les combinaisons sont possibles -- homme, arbre, pierre --, et à partir duquel seulement pourra exister l'infinité des différences. 
Clément Rosset, Logique du pire, PUF

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Le jour et la nuit.
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mardi 21 janvier 2020

73 aM - journal / notes / citation / photo






mardi 21 janvier 2020
Aujourd'hui fut un jour à la fenêtre. Passé six heures à écrire. Travaillé sur mes narrations ostéonirismologiques, beaucoup. Travaillé sur le Grand hasard légendaire, un peu. Le mail que j'évoquais hier a convaincu: le propriétaire prend les travaux à ses frais. Vu une manifestation de soignants passée sous ma fenêtre, cinquante personnes, cortège un peu misérable, mal au coeur tout de même. Est-ce donc à l'écriture qu'il convient de travailler aujourd'hui? Promené le chien à la nuit tombée, aux terrasses des cafés, des jeunes, sur les vélos über, d'autres jeunes. 

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Lu In waves, d'AJ Dungo. Joli récit en images, histoire de deuil, histoire de l'Histoire du surf. La narration est une tresse, passant d'anecdotes personnelles tragiques aux vies des figures tutélaires du surf moderne: Duke Kahanamoku et Tom Blake. Ce constant va-et-vient ménage des respirations, il établit des résonances entre les différents destins qui donnent une belle ampleur à l'ouvrage. Cette circulation fait écho à la forme même d'un deuil dont la difficulté est qu'elle reste mouvante, insaisissable et permanente. Cela me conforte dans mon idée de travailler à construire une tresse similaire, quoi que plus serrée, pour le dernier ouvrage de la trilogie consacrée au deuil d'une mère. 

Nouvelle contrainte: écrire ce journal chaque jour en vingt minutes, pas une minute de moins, pas une minute de plus.

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Cela vient pas vagues.
C'est une réponse un peu lapidaire, mais juste.
Le vide est constant.
Mais le chagrin du deuil n'a pas de forme propre.
Il va et il vient. 
AJ Dungo, In waves, Casterman.
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lundi 20 janvier 2020

72 aM - journal / notes / citations / photos







Lundi 20 janvier 2020
Aujourd'hui fut un jour tu sais bien. Ce matin, voilà que je me suis occupé à (et non occupé de (nuance d'importance puisque s'occuper à évoque l'idée de s'adonner, s'appliquer à quelque chose quand s'occuper de pointe plutôt l'action de consacrer son temps, ses soins, à faire quelque chose (autrement dit, me semble-t-il, la manière et le style en tant que saveur de l'expérience sont pris en compte quand on s'occupe à (si l'on s'occupe de, en revanche, on se situe dans la seule dimension opérationnelle de la tâche à accomplir (c'est pourquoi, soucieux de faire valoir un certain recul, disons, esthétique, mais aussi vital somme toute, dans la narration de ma démarche, j'ai choisi de m'occuper à))))) écrire un courriel à l'agence immobilière qui gère l'appartement que nous louons. De sinistres problèmes de serrure de la porte des water closet. 

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Je me demande s'il convient que je n'écrive que les choses telles qu'elles me viennent au moment où je me rends disponible à ce petit travail d'écriture. Je me demande s'il convient que j'écrive à partir de notes préalables. Voici des questions capitales. Est-ce que je cherche à découvrir ce qui vient au moment de l'écriture, ce que j'ai vécu étant dès lors secondaire, prétexte à? Est-ce que je cherche à faire valoir une expérience de vie? Est-ce que je situe ma démarche dans une hésitation entre ces deux propositions? 

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Très vite elle s'était dit: bon maintenant écoute-moi, je suis ici et je le sais, si je m'en vais ça n'ira plus j'ai tellement l'habitude d'être ici. Je ne saurais plus ce qui m'arrive, alors écoute-moi bien, se disait-elle, écoute-moi bien, je vais m'arrêter de parler et je ne parlerai plus. 
Gertrude Stein, Ida, Points

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