vendredi 28 novembre 2014

492 - LIVRE-AVRIL - 16 F (Provisoire)






Sixième et dernière partie du texte dont je fais mention dans le billet 485
Parties précédentes ici : ABCD, E





Il y eut un fracas épouvantable, un tohu-bohu sonore qu’on entendit plus du tout notre artiste gnome. C’était comme si on avait froissé de dépit le cosmos ; oui, un immense vacarme d’univers mis en boule ça fit. Moi j’en tombai par terre les mains collés aux pavillons. Foudroyé. C’était insoutenable ces décibels. Et Hans aussi il se cassa la gueule à ma suite, sur ma pomme même si près que je lui discernais les vibrisses ; écœurant... trop près ! Je l’éjecte ! Bye ! Il disparaît dans la mêlée : toute l’assistance à terre. Tous larvaires. Trucmuches inconsistants gigotant sur le bitume. Brouillamini méli-mélo la gueulante effroyable et les battements affolés de mon cœur, les oreilles qui saignent, la vésanie sur le trottoir on se pousse on se piétine on se massacre la face à coup de talons faut que je passe ! Que je me carapate ! Laissez-moi passer ! Je veux vivre ! L’hystérie absolument là au-dessus de moi. Chuis enfoncé sous la meute, chuis pélobate ! Tournaillaient les drôles de silhouettes, ballaient funambulesques, dégingandées pétauristes, la gigue des ombres dérisoires, sabbat des flandrins on aurait dit vu d’en dessous : paluches sur les oreilles et jambes au cou, tournicotant trépignant, plié virtuose origami c’était pas la grâce non ! ridicule humanité parfois... c’est grotesque nous les humains. Souvent. Pas mieux que le gallinacé falot quand on yoyote à la touffe de la sorte. Quand on s’aliène à la foule. C’est la honte quand on y regarde bien, oh ! Baste ! La frénésie à la survivance dans le boucan tourbillonnaire tout autour, l’indignité honteuse je t’arrache la peau de ta gueule pour pas crever moi moi moi ! ça s’amplifiait, le tintamarre, stridences déchirantes, borborygmes, il traversait nos corps, en retournait la moelle secouait nos panoplies d’os d’organes et des infrabasses nous montaient l’estomac dans la bouche, ça nous soulevait comme plume au vent le concerto concasseur de tapages orné de pétaradantes gargouillades. Hans, je l’aperçus violer tant bien que mal –  pas facile avec les mains sur les oreilles – il déviergeait une fillette dans le tas de gens. C’est qu’il perdait pas la boule le crapuleux ! Préoccupation quéquette avant tout ! Ah oui ! Hans ! Hans ! Quel sale type ! Salop ! Il me foutait la haine ; il me faisait endêver le bougre ; faut qu’on se frite que ça cogne que je te le rosse l’escarpe ! la leçon de choses je la lui aurais faite mais ça me piétinait incessamment la foultitude qui carambole : pouvais pas bouger, ne serait ce que ramper c’était impossible. Salop ! Hans ! Ordure ! Violeur ! Je le regardais farcir l’hymen à la petiote au sein de l’indifférent chaos chacun sa gueule. Et l’entrejambe ça saignait et lui avec sa teub dans la petite fente outragée il lui irritait l’endomètre. Il lui crachait à la gueule, lui mâchait le crâne Hans ! Pourriture ! Dégueulasse ! Lui réséquait les prémices de nichons lui arrachait les ongles lui éparpillait le visage lui désassemblait les membres lui chiait dans la bouche que ça sortait de son cul comme le feu jaillit de l’espingole partout de la merde sur sa trombine à la gamine, lui décorait les tripes éparpillées dans la flaque pégueuse écarlate en festons de sperme Hans ! T’es qu’un esthète ! Monstre ! Saleté ! Ça pleut des immondices, des choses splanchniques ça dégouline partout. J’ai les oreilles en charpie. L’audible déglingué. Oh ! j’en peux plus les visions d’horreur le fatras tonnant d’outre-tombe. C’est l’acmé du bordel. L’averse de chair blette, les bouts de carne sur le trottoir éclaboussent le misérable tortis de quidams, comme ça gesticule sur le bitume ! C’est minable ! C’est trop ! J’ai mal à l’ouïe, j’ai mal ! Faut que ça cesse ! Hans ! Assassin ! La fillette c’est plus qu’une ragougnasse anonyme qui gît sur le béton. Plus de visage, rien ! un pot-pourri tripaille tout au plus. Dévastateur Hans... l’aurait mieux fait de rester dans son œuf le taureau. J’en veux plus de ce monde. Ciao ! Je me carapace en boule. Fœtus repli. Je m’énamoure de moi-même, de ma propre odeur. Je m’encave là je veux plus rien savoir. Qu’on crève ! Qu’on me foule au pied ! Carpette ! Je m’en fous ! Je m’en fous je suis déjà mort je fais l’amour à des momies depuis longtemps. Lover taxidermiste moi. Ça me piétine avec alacrité, ça jogge convaincue la bérésina. Mes oreilles violées, hymen tympans crevés, dépucelage acoustique, je constate là sur la paume de ma main, c’est rouge un peu liquoreux, joli comme tout sur fond carné, la tache artistique, j’entends quasiment rien, ça bourdonne un peu au loin encore, à peine un frémissement sur la membrane, pas grand chose, une chiquenaude de son, puis plus rien je ressens juste les vibrations, les basses qui vrombissent sépulcrales, de moins en moins, chuchotis, silence oui j’y suis là c’est la paix je m’en vais, fini la douleur ça cogne dans mon corps meurtri, l’on s’évertue encore à me broyer sous les semelles, ma masse trimballée çà et là, à l’horizon je décline peinard, comme un pantin tout mou je suis nomade, au gré des mouvements de la foule, ça me transporte, je dérive désarticulé de coups de pieds en trépignements tabassages, m’abandonne sous l’orage, il pleut des chagrins, des putréfactions célestes ce soir ça tombe, l’ondée, je vois trouble, entends plus rien, suis de la purée de mon corps, vague phocomèle, chuis parti, mes chimères, j’y suis au brouillard qui caresse mes lâchetés, mes résignations de tout petit garçon, dans le nuage je suis bien, hors du monde, les gouttelettes en suspens me ravissent, ici, il n’y a qu’ouate la douceur, douillette, le repos le silence, flippe over, enfin, je l’attendais depuis toujours le brouillard moi, qu’il prenne le pont, qu’on n’en parle plus, fini, figé fixe que rien ne meuve autour, seule ma dérive je tolère, le soleil n’éblouit plus, halo couleur des blés maintenant l’astre, halo posé sous la brume là-bas sous la brume dans le monde, très, très loin aux antipodes... je flotte, suis un spasme de l’atmosphère, une onde de brume éthérée une effraction, bris vaporeux, sublime effrangé à la lisière du béant, à la commissure du mystère les ridules je suis, je suis un peuple de granules en exode, se dilatent aux caprices du vent, volettent sans souci,


















4 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Céline avait raison (question style).

Julien Boutonnier a dit…

Merci Dominique de ton passage. Oui, j'ai écrit ce texte il y a longtemps, traumatisé par la lecture de tous les romans de Céline. Pour me défaire de la fascination exercée sur moi par cette oeuvre, il a fallu que j'en passe par là. J'ai un rapport difficile avec cet écriture dont je ne sais trop évaluer si elle existe en elle-même ou seulement dans sa référence à Céline.
Bonne journée à toi.

Dominique Hasselmann a dit…

J'y ai forcément pensé mais ignorant sa chronologie j'ai bien vu que tu étais passé à un autre stade...

Zéo Zigzags a dit…

Bien vu ce désir d'entrer dans le corps et du texte. J'ai lu vers la fin de l'été un immense roman policier où la torture était inimaginable, où le viol devenait virgule. C'était extrêmement bien écrit. J'aime les policiers, action extrême, si c'est bien écrit.

Le viol, dans la réalité, n'est pas une virgule, tu le sais bien. Point final, plutôt, à l'enfance, à l'avant. Tu dirais la mort et tu aurais raison. Je me suis demandé comment tu aurais décrit le viol d'un garçon du même âge. Je cherche dans ton texte celui du patriarcat qui nous impose sa vision partout et jusqu'entre les lignes que l'on voudrait si personnelles et si libres, sachant la vacuité de ces termes.

Dans la vulgarité de la langue, je vois jusqu'à l'odeur [de] - synesthésie poétique - la terre et les ronces dont tu cherches à envelopper ta peau afin de la forcer, l'enraciner, la bétonner dans la réalité. Puis, un glissement et TU réapparais, dans cette étape que j'imagine où ta langue à toi, tes mots à toi reprennent les commandes, où cet appel à/de la mort et de la douleur de la perte, fidèle compagne toxique, cherche son chemin de transition. J'en entends dans le rythme sa respiration, la tienne.

C'est cette partie que je préfère. Là où tout doucement tu construis ce qui épaissit [pour reprendre ton terme] ton existence, qui donne consistance à ton existence - tu dirais au sens freudien, ton moi [mais je préfère là, le moi de Lacan] autant qu'à la parole écrite - et prononcée par qui te lit un peu autrement que par toi.

Amitié, Zéo