mardi 24 septembre 2013

382 - Ń (4,M)









  



Ń (4,M)


on a posé deux cadavres. ad'avr. on a mis un enfant dessus. je l'ai pris dans le tas. 1. on a poussé la civière. le feu n'a rien dit. non. 6. j'ai posé la prothèse mammaire dans l'armoire à linge. mes yeux ont pensé depuis un scalpel. un reflet d'une lumière sur une lame. une larme dans le lait mort. dans l'armoire en merisier le linge a senti la lessive. 1. j'ai posé la soupe miso. j'ai regardé le vieux. R. il m'a dit ta mère était lamentable. dans ses yeux j'ai vu le dos d'une nuit. 0. j'ai eu peur. 9. E. j'ai sué devant le silence. la prothèse a chanté dans le feu. un chant du lait brisé contre. non. la soupe a fait un goût noir dans les dents. des cendres ont pleuré. E. j'ai pleuré avec. je crois que j'ai eu besoin d'un câlin. je crois que j'ai eu peur de mourir. le vieux a dit que ma mère n'était pas une mère. dans ses yeux j'ai vu l'os d'un feu. 4. on a posé deux cadavres. ad'avr. on a mis un enfant dessus. je l'ai tenu par la jambe. celui-là il a pas deux ans, a dit quelqu'un. y'a pas d'âge ici, a dit quelqu'un. y'a des morts nous on brûle, a dit quelqu'un. mes yeux ont perdu l'équilibre. non. on a posé deux cadavres. ad'avr. 0. j'ai regardé la prothèse mammaire. je l'ai caressée du bout du doigt. elle a crié dans la chambre. ta mère ne disait jamais rien a dit le vieux. dans ses yeux j'ai vu un cri faire l'oiseau sur les cyprès. J'ai senti la lessive. j'ai serré le petit mort contre moi. arrête, a dit quelqu'un. on l'a mis sur les cadavres. ad'avr. on a poussé la civière. le feu n'a rien dit. M. le linge a senti la lessive. j'ai remué la soupe miso. les miettes ont flotté de quelqu'un. je crois que j'ai manqué d'amour. non. on a posé deux cadavres. ad'avr. on a mis un enfant dessus. j'ai pleuré devant la prothèse mammaire. non. le vieux m'a regardé depuis l'odeur des gens brûlés. 9.         











____



Soit un repère orthonormé. Soient assignés à l’axe des abscisses les huit chiffres de la date de ce jour précis où la mort de ma mère n'a pas eu lieu dans ma vie. Soient les quatre lettres de l'acronyme assignées à l’axe des ordonnées. Soit un système de coordonnées dans lequel le territoire du vide se trouve momentanément lié, ligoté, relié à un ordre arbitraire, tel Isaac ligaturé par son père Abraham sur l’autel du sacrifice. Soient les balises référencées dans ce repère, accolées à une lettre et un chiffre. Soient les balises groupées dans un ensemble de trente-deux éléments. Soit l'alphabet polonais, l'alphabet du pays des Plaines, comprenant justement trente-deux lettres, pour nommer les trente-deux balises. Soient trente-deux entrées dans le vide de ma mémoire. Soit un cryptogramme possible que le vieux me tatoue sur l’avant-bras dans le rêve.  

Structure d'une balise : Les Camps - Le non-événement - Le rêve de New-York

Amorce de la balise Ń : 
Déposer les cadavres dans les fours – Poser la prothèse de ma mère dans l’armoire à linge des parents – Poser la soupe miso sur la table




Ń (4,M), Les Balises, M.E.R.E,   2013











2 commentaires:

Unknown a dit…

Le rythme, le choix des mots, j'aime. On est dans ta maison, on est dans ta tête. Ce n'est toujours pas facile mais c'est plus léger la poésie, dépouillé, plus acceptable pour l'"étranger" que je suis, c'est à dire celui qui n'est pas toi.

Julien Boutonnier a dit…

Merci Cédric de ton passage et de tes mots précieux. Je suis encouragé par ce que tu deposes là.