mercredi 18 septembre 2013

381 - Voyage à Mazamet - 23







Notes en vue d'un cri






Là ce fut rien. Ce fut rien à perte de vue. Là rien jusqu'à dire vrai dans le silence. Dans la ligne plate et nineties d'un électrocardiogramme. J'ai vu la prothèse et le sein réséqué jonchés parmi les virgules. Parmi le gouffre trémulant. J'ai vu oui quelque chose de ma voix. J'ai vu oui le cri mort me tendre la main. Et désolé mais confiant je suis venu vers toi le déposer mon cri mort. Je n'ai rien de plus à te donner sais-tu ce cri mort c'est ma vie. J'ai appuyé sur l'obturateur. La photo n'a pas été vraiment comme dans les mots qui disent le rêve. J'ai gravi la pente. Et dans mon torse j'ai senti se dire une expression. Et cette expression a glissé dans ma main et j'ai entendu cela qui palpitait dans mes doigts. Le viol de ma voix. Et j'ai compris que cela j'étais venu le visiter le viol de ma voix. Autrement dit, l'insémination forcée de ma voix par le silence de ma mère tandis qu'elle agonise. Oui ma mère, tu as déposé le poème dans ma voix. Ton silence de presque morte, ton silence du cancer flamboyant, ton silence dans tes yeux qui rampent encore, je les vois parfois, sur le bleu sans saison là-haut, ton silence a giclé vers mon souffle. J'ai reçu ta bouche close et triste dans ma gorge ouverte et de femme. Ta bouche c'est une fleur dans mes poumons, qui noircit les inspirs. Et depuis j'erre muet dans les plaines parmi les naufragés, parmi les boues, les marbres et les morts. J'erre et viens vers toi mon amour. Je viens depuis la rive et mon cri mort je lui tiens la main. J'ai regardé la photo. Le viol de ma voix a pleuré, regard perdu vers les cyprès gorgés de nuit. Je me suis assis et j'ai vu passer le rayon du phare sur la ville en bas. Je me suis senti oui dans l'intimité de mon éventuelle absence. Et ma peau spacieuse s'est ouverte à l'avenir anémié. Le viol de ma voix s'est blotti sur mes genoux, je lui ai caressé les cheveux avec tous les cris que je mets dans la tendresse et les mots. J'ai pensé à toi mon amour, à tes yeux vifs, à tes seins chauds. Et tu m'as manqué. Enfin oui. Tu m'as manqué à la manière d'une victoire sur les paupières closes. J'ai ressenti que tu n'étais pas là. Mon cri mort pour la première fois a ouvert la bouche. Dans la jeune solitude et l'ombelle ensanglantée. Il a dit: nous sommes amoureux de cette femme en vie. J'aurais donné ce temps entre deux pulsations du coeur pour te serrer dans mes bras dans l'instant. Le poème a frémi. Mon amour, tu étais de tous les horizons. Où que j'aille vers toi, le poème nous jetterait dans ton haleine sucrée. J'ai parlé moi aussi. J'ai dit des choses dans la pente. J'ai entendu le sexe de ma voix bander si fort que le poème s'est ouvert. Vers ta peau j'ai dit ma main. De tous les temps j'ai dit mes lèvres sur l'aréole enfiévrée du sein tien, de l'autre tien fixé à ma caresse. Depuis la morte vers la vive j'ai dit le chant. Il est resté du jour le souffle d'une envie. Comme d'un enfant le refus qui affirme.  










Voyage à Mazamet, Notes en vue d'un cri - 23, mercredi 18 septembre 2013





1 commentaire:

Dominique Hasselmann a dit…

Difficile de "violer" ce texte par un commentaire quelconque.