mardi 22 avril 2014

439 - le médaillon - 11 - l'index - 8








Pour un plan d'ensemble de l'ouvrage, voir ici.













L'index - 8


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Histoire de ma disparition

Le deuil est une histoire d'amour sans lendemain


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Chapitre 6






Un stylo.

Ecrire.

Parce qu'ainsi je disparaissais.

La nuit prenait place. 

La présence dans son mouvement fuyant.

Peu importait la teneur d'une écriture.

Une écriture servait ma néantisation.

La substance d'une personne coulait avec l'encre du stylo.

Elle imprégnait le papier.

Se fixait en signes définitifs.

Se vider oui.

Se quitter.

Et dans la chair dès lors un silence. 

Corps en ruine.

Calme et lumineux.

Ôtée de soi la présence se taisait.

Enfin la nuit s'ancrait.

Vivre une joie parfaite.

Ecrire pour s'unir à la nuit tant désirée.

Se fondre en elle.

J'avais touché au but.

La vie jusqu'à la mort serait vouée à la disparition.

L'avenir se dessinait dans une épure.

La vie se réduirait au seul geste d'écrire.

Se lever à quatre heures du matin.

Ecrire tout ce qui passait.

Observer une main courir sur la feuille.

Regarder l'encre sécher au fil de l'épanchement.

La disparition advenait dans la suite des lignes.

Un délassement.

Une quiétude harmonieuse imbibait les tissus.

Apparaissait ce qui en soi était sans que jamais je ne le sois.

Pause aux alentours de onze heures.

Manger des pâtes au beurre et un yaourt sans sucre.

S'allonger sur un tapis de sol pour une sieste.

Reprendre l'exercice de treize à dix-sept heures.

La fin d 'après-midi dévolue à la vie domestique.

Vers dix-neuf heures se coucher exténué.

L'endormissement ne durait pas. 

Sommeil sans rêve.

Heureux et parfaitement convaincu du sens d'une existence.

Ne connaître nul tourment.

Une fatigue entière. 

Ecrire vidait.

La nuit longeait mes veines.

Attirant la somme des affects au rien.

Un pouls ardent et calme à la fois battait comme à l'approche de la mort. 

L'encre déposait les signes au miroir desquels je reconnaissais la nuit mon amour.

Cette traversée qui émeut et saisit. 

J'avais disparu ainsi que l'appartement de type 1 bis. 

Plongé dans cet effondrement de la personne je prenais une autre dimension. 

Un corps contractait une intensité affective telle que d'infinies perspectives s'engouffraient dans la conscience évidée. 

Dans cette ferveur la chair désirait désespérément. 

Ce désir se révélait si vif que c'en était douloureux.  

Un ventre s'enflammait.

Des membres tremblaient.

Une bouche écumait.

Cette tension croissait tant que je prenais peur.

Se détourner de la page pour renouer avec des sensations plus ordinaires.

Ecrire à nouveau dès que la morsure du désir s'estompait.

Le quotidien érémitique ne souffrait aucune dérogation.

Les feuilles manuscrites s'amoncelaient sur le lino. 

Bientôt une épaisse couche couvrit l'entière surface du sol.

Des sentiers se dessinèrent sous les foulées les plus fréquentes.

Un creux persistait où se trouvait la couche.

Un paysage blanc striée de rayures noires chuchotait dans un désert de type 1 bis.

A chacun de mes pas il murmurait le froissement des énigmes premières.

J'étais sensible à cette étendue.

S'allonger dans son épaisseur.

Dans cette mer de signes.

Un corps se plaisait dans cette immersion.

Vivre dans un livre ouvert qui n'aurait pas raconté d'histoire.

Qui aurait été un lieu d'expériences.

L'isolement était total.

Seulement parler aux commerçants chez qui se fournir en ramettes et vivres.

Regarder les passants.

Les voitures.

Les plates-bandes de fleurs.

Lever les yeux vers le ciel et considérer les arbres et les nuages.

S'émerveiller que tout cela insiste.

Qu'il soit donné de prendre conscience du monde.

Ne pas se considérer comme prenant part aux causes et aux effets de cette scène.

Dix heures par jour simplement travailler à disparaître.

Depuis la mort d'une ma mère cet usage d'une liberté s'imposait comme le seul adéquat.

Puisque pas encore mort. 

De l'absence faire une vie.











le médaillon 11 - l'index - 8 - avril 2014

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