Pour cette 438ème publication, j'ai collaboré avec Bobi Bobi. Je lui ai transmis des photos des pages manuscrites de mon journal à partir desquelles elle a créé des encres dont quelques unes sont visibles ci-dessous. Je vous invite, pour ceux qui ne connaîtraient pas encore son travail, à le découvrir ici (sur Facebook).
*
Le type s'énerve un peu, il lève les mains, parle à la dame en voiture qui cherche à se garer :
"Là, là, mettez-vous là!
Elle veut pas y aller!
Elle est con!"
Je retiens la musique, si entêtante, de ses paroles. Je marche en répétant ces mots, je retire les mots, je garde la musique, je mâche ce miracle de la musique, je le mange, je l'abêtis, je l'empaille, je le croone, je l'enfance, la musique de l'humain est en moi, le chant des mots est en moi et je suis en vie une fois.
*
*
- Tu joues papa?
- Oui. (pas envie...)
- Oui. (pas envie...)
- Toi tu te caches. Je suis le loup. Je viens te manger. Mais t'es une luciole. Tu me transformes en chaton. Il a mal aux pattes. Je le soigne.
- D'accord...
- D'accord...
*
On cherche avec les yeux ce que veulent
dire passage et lenteur, ligne et retrait -- fil
de bave encore. On s'accroche, on refuse de
s'accrocher. Il faudrait lâcher ce bleu, ce noir
en tête et laisser faire la lumière un peu sale
jusqu'à la têtue détresse. Monter quand même,
rassembler les papiers, regarder. On pèse à
moitié sur les raisons d'exister, dans un léger
bruit de plumes -- son sourire n'y peut rien. On
pèse à moitié, sans décoller, sans lever. Juste
écrire dans l'obstacle, noté ça chez Watteau :
s'y loger. Pousser la question, toujours, et
déplacer la ligne, sa flottaison. Deux oiseaux
versent en croix sur le mur, versent en fenêtre.
On descend plus calme, on tire une chaise, le
linge sur le fil -- il pourrait n'y avoir rien du tout.
*
On cherche avec les yeux ce que veulent
dire passage et lenteur, ligne et retrait -- fil
de bave encore. On s'accroche, on refuse de
s'accrocher. Il faudrait lâcher ce bleu, ce noir
en tête et laisser faire la lumière un peu sale
jusqu'à la têtue détresse. Monter quand même,
rassembler les papiers, regarder. On pèse à
moitié sur les raisons d'exister, dans un léger
bruit de plumes -- son sourire n'y peut rien. On
pèse à moitié, sans décoller, sans lever. Juste
écrire dans l'obstacle, noté ça chez Watteau :
s'y loger. Pousser la question, toujours, et
déplacer la ligne, sa flottaison. Deux oiseaux
versent en croix sur le mur, versent en fenêtre.
On descend plus calme, on tire une chaise, le
linge sur le fil -- il pourrait n'y avoir rien du tout.
Armand Dupuy, Par mottes froides, Le Taillis Pré, 2014, p52
*
un don sur le bout
de la langue
comme il pleuvrait
à l'air libre
comme un vent muet
déposerait sur l'eau
la longue liste
des reflets encore à dire
à l'air libre
il pleuvrait
ce qui vient
juste avant
de parler
cette absence déliée qui fédère
à l'air libre
comme un vent muet
déposerait sur l'eau
la longue liste
des reflets encore à dire
à l'air libre
il pleuvrait
ce qui vient
juste avant
de parler
cette absence déliée qui fédère
...et puis je te prendrais par la main et puis on marcherait comme si de rien n'était ce serait fantastique de respirer ensemble on dirait on est bien tu le dirais aussi et moi aussi je le dirais on est bien ce serait le soir mais pas trop le soir un peu juste avant le soir vraiment on se tiendrait par la main comme c'est pas possible et ton sourire aurait la forme d'un sourire vraiment souriant un sourire fantastique...
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Indesit DSG - 573 Blanc - 349 euros - garantie deux ans - livraison - mise en service gratuite - reprise de l'ancienne - livraison 26 matin ou 27 matin ou samedi
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les voitures roulent à quelques mètres de l'aubette. il y a des flaques, ces chutes lost in translation, il y a des flaques qui songent à l'étrange bande de molachos dont a parlé une fois ma fille. J'écoute mais n'entend rien à cet enjeu d'un nouveau genre.
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Vue saisissante d'un molacho. |
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égaré - au salon - seul - et en sang - de parler - dans la lumière morte - rien de plus - ça de violent - juste ça - en soi - une - rage - et en sang - et ce silence - comme un clou dans la peau - devient - mort - ça m'achève - une lame - une paix oui - : ce que vivre veut dire - j'entends - que rien - des fois - rares - des fois la parole - et en sang - des colères - la colère - c'est - l'enfant - juste l'enfant - enrage - tout - de soi - le cruel - l'inconsolé - blêmit le vivre - tuméfie le jour - l'enfant - le hurlement - d'une solitude en pierres noires - qui regarde - de nuit - le triste écho - le proliféré - du seul enragé - je reste - seul - et en sang - au salon - qu'ai-je fait - ? - Gesualdo - hante - les marches de mon souffle - revenu
*
William Carlos Williams, Paterson, chez José Corti
pour le travail de montage.
*
c'est bien quand le soleil regarde de profil que les présences croissent en intensité
*
*
La descente nous attire
comme nous attira la montée
La mémoire est une manière
d’accomplissement
une manière de renaissance
et même
une initiation, puisque les espaces qu’elle révèle sont
de nouveaux territoires
peuplés de hordes
jadis inaperçues,
d’une autre espèce –
puisque leurs déplacements
ont pour buts d’autres buts
(même s’ils furent, en d’autres temps, abandonnés)
Nulle défaite n’est seulement faite de défaite – puisque
le monde qu’elle révèle est un territoire
dont on n’avait jamais
soupçonné l’existence. Un monde
perdu,
un monde impensable
nous attire vers d’autres territoires
et nulle pureté (perdue) n’est plus pure que le
souvenir de la pureté .
Avec le soir, l’amour s’éveille
bien que ses ombres
qui n’existent qu’en vertu
de la lumière solaire –
soient gagnées par le sommeil, lâchées par
le désir
L’amour sans ombres s’étend à présent
qui ne s’éveille
qu’avec la montée de
la nuit.
La descente
faite de désespoirs
sans s’achever
entraîne un autre éveil :
qui est l’inverse
du désespoir.
À ce que nous n’achevons pas, à ce
qui est refusé à l’amour,
à nos espoirs perdus –
succède une descente
infinie, inéluctable .
*
*
Gesualdo, Merce grido piangendo, Les Arts Florissants, William Christie
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La descente nous attire
comme nous attira la montée
La mémoire est une manière
d’accomplissement
une manière de renaissance
et même
une initiation, puisque les espaces qu’elle révèle sont
de nouveaux territoires
peuplés de hordes
jadis inaperçues,
d’une autre espèce –
puisque leurs déplacements
ont pour buts d’autres buts
(même s’ils furent, en d’autres temps, abandonnés)
Nulle défaite n’est seulement faite de défaite – puisque
le monde qu’elle révèle est un territoire
dont on n’avait jamais
soupçonné l’existence. Un monde
perdu,
un monde impensable
nous attire vers d’autres territoires
et nulle pureté (perdue) n’est plus pure que le
souvenir de la pureté .
Avec le soir, l’amour s’éveille
bien que ses ombres
qui n’existent qu’en vertu
de la lumière solaire –
soient gagnées par le sommeil, lâchées par
le désir
L’amour sans ombres s’étend à présent
qui ne s’éveille
qu’avec la montée de
la nuit.
La descente
faite de désespoirs
sans s’achever
entraîne un autre éveil :
qui est l’inverse
du désespoir.
À ce que nous n’achevons pas, à ce
qui est refusé à l’amour,
à nos espoirs perdus –
succède une descente
infinie, inéluctable .
William Carlos Williams, Paterson, "série américaine", édition Corti, 2005
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les pouces dans la lumière des smartphones
*
#médaillon
Je me trouve engagé dans un ouvrage complexe, en expansion, casse-gueule, quand j'ai d'autres textes en cours qu'il me faut finir, METEO notamment. La publication dans N4728 est encourageante, je ne dois pas laisser tomber. D'ailleurs je ne veux pas laisser tomber. La difficulté réside dans ce fait que je n'arrive pas inscrire l'écriture de METEO dans le cadre de ce blog, et que je n'arrive plus à écrire en dehors de ce blog. Je pense que METEO exige une écriture au secret. Une intimité de l'atelier. Un ressort sans doute de cette écriture en retrait tient à son sujet qui reste le pouls caché d'une relation amoureuse : cette expérience d'un quotidien partagé par deux personnes unies au nom de l'amour. Et cela, oui, à bien y réfléchir, c'est évident, requiert le silence et l'alcôve, un recueillement duquel peut jaillir cet émerveillement mat et douloureux devant l'incommensurable naufrage de nos illusions, devant le salut blessant et joyeux que constitue la vie à deux.
Je me trouve engagé dans un ouvrage complexe, en expansion, casse-gueule, quand j'ai d'autres textes en cours qu'il me faut finir, METEO notamment. La publication dans N4728 est encourageante, je ne dois pas laisser tomber. D'ailleurs je ne veux pas laisser tomber. La difficulté réside dans ce fait que je n'arrive pas inscrire l'écriture de METEO dans le cadre de ce blog, et que je n'arrive plus à écrire en dehors de ce blog. Je pense que METEO exige une écriture au secret. Une intimité de l'atelier. Un ressort sans doute de cette écriture en retrait tient à son sujet qui reste le pouls caché d'une relation amoureuse : cette expérience d'un quotidien partagé par deux personnes unies au nom de l'amour. Et cela, oui, à bien y réfléchir, c'est évident, requiert le silence et l'alcôve, un recueillement duquel peut jaillir cet émerveillement mat et douloureux devant l'incommensurable naufrage de nos illusions, devant le salut blessant et joyeux que constitue la vie à deux.
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la chaudière dans la cuisine. les bruits de la douche d'A. j'écris sur le plateau du frigo. j'aime bien écrire debout dans la lumière électrique quand dehors la nuit s'assoupit dans le chant bleu du jour qui se dresse. la vaisselle sur la table, parmi les reliefs du petit déjeuner, me dit des choses si profondes, si peu langées de savoir encore, que le quotidien se déprend de sa patine, que les choses vibrent en riant.
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possible victoire des nazis : on produit aujourd'hui du corps humain comme les nazis ont produit du cadavre. Pour les nazis il s'agissait d'éradiquer la vie des autres au nom de valeurs racistes. Aujourd'hui il s'agit d'éradiquer la mort de soi au nom de valeurs scientistes.
Subtil écho.
Subtil écho.
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A. donne à manger à notre fille dans la chambre. J'attends dans la cuisine. Un verre de vin tient sur la table. Et des lumières se déposent dans les courbes des couverts. J'entends mijoter le tendron de veau. Aujourd'hui j'aurai atteint un peu de paix. Un peu de l'entreprise tendre et vraie. Je sens ma peau clore et dialoguer. Il est un temps, donc, possiblement heureux. Quand prendre soin des autres c'est prendre soin de soi.
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A. donne à manger à notre fille dans la chambre. J'attends dans la cuisine. Un verre de vin tient sur la table. Et des lumières se déposent dans les courbes des couverts. J'entends mijoter le tendron de veau. Aujourd'hui j'aurai atteint un peu de paix. Un peu de l'entreprise tendre et vraie. Je sens ma peau clore et dialoguer. Il est un temps, donc, possiblement heureux. Quand prendre soin des autres c'est prendre soin de soi.
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Les enfants jouent dans la cour de l'école. Je pense aux déserts de Mars. Je pense à la norme minérale qui prévaut sur les planètes. Je me dis, qu'entends-je? Que sont ces éclats de voix? Ces rires ces larmes? Ces dessins qui se précipitent dans la couleur? Ce brouhaha des vies?
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Peut(-)être un journal - avril 2014
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