Pour ma première participation aux vases communicants, je suis très heureux d'accueillir Dominique Hasselmann. Son blog, le Tourne-à-gauche, est pour moi un rendez-vous quotidien, une excellente addiction. Je suis d'autant plus touché de cette collaboration que Dominique a tenu à honorer son engagement quand la vie le demandait ailleurs. Un grand merci à lui.
Vous pouvez lire mon texte sur son blog ici.
Il la regarde comme incrustée dans le paysage ensoleillé, épousant la pente douce et donnant l’échelle des proportions : la montagne comme vigie définitive.
Cette maison lui rappelle un souvenir d’enfance, quand il a habité dans un quartier excentré de Vesoul (Haute-Saône), après la mort de son père et l’abandon de l’appartement de fonction du lycée.
Les volets, avec le Z qui lui faisait penser à Zorro, sont presque les mêmes, l’environnement s’imposait différemment : d’autres maisons du même type formaient une sorte de lotissement, les voisins d’en face s’appelaient Pataille, leurs fils étaient des copains et un petit parking permettait de garer la 2 cv dehors – pendant quelque temps ce fut même une Chevrolet Corvair, achetée d’occasion ! – tandis que la Dauphine puis la R8 de sa mère avaient droit au garage fermé.
Il se disait aussi que leur chien-loup Django (baptisé ainsi par son frère et lui en pensant au guitariste de jazz), récupéré à la SPA, aurait été heureux de pouvoir gambader dans la campagne et respirer le grand air – même si les bords du Durgeon ou la route des Forts n’étaient pas si loin.
Dans le sous-sol, il y avait un petit espace avec lavabo qu’ils avaient aménagé en labo(vo) photographique : quand la lampe rouge était allumée, ils pouvaient faire naviguer les photos de cuve en bacs (révélateur, rinçage, fixateur à l’odeur acide) et ensuite pendre les épreuves, développées, révélées, à des fils grâce à des pinces à linge en bois, et jouer avec l’agrandisseur sur la tige élévatrice.
Un mauvais jour, la maison fut occupée par d’autres personnes, mais elle demeure toujours plantée au même endroit, la montagne en moins (la colline de La Motte ne fait pas vraiment le poids).
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La barre s’étend et son rougeoiment ressemble à une aciérie dans le ciel. Est-il facile d’imaginer un remake de Cela s’appelle l’aurore de Buñuel ? Combien d’aubes se sont-elles levées – même celle de la communion solennelle, de couleur virginale, avec le missel offert et ses pages de papier « bible » avant de connaître celles de la Pléiade – de nuages se pourchassant ou s’amusant à colin-maillard, de feux embrasant l’espace et ses espèces, de traits puissants de peinture comme étalés par un artiste géant et riant dans sa barbe blanche ?
Ce souvenir d’un matin de rosée, d’une tente ouverte, de la verdure alentour et de la journée ouverte : éclosion de la sensation, réminiscence d’un début, comme l’introduction à un chapitre de vingt-quatre heures qui serait clos ensuite par un tableau formidable (visite gratuite, pas de file d’attente), au cadre sans bords, à l’horizon illimité sauf peut-être par un bosquet d’arbres, un poteau électrique à forme humaine avec sa tête, ses bras, ses jambes, ou le tracé blanc, qui se dissoudrait peu à peu, d’un avion à réaction.
La peinture céleste n’est pas assez mise en valeur : combien l’admirent dans la réalité ? Certains grands peintres ont reproduit ces visions uniques (souvent avec un éventail de rayons devant faire penser au Créateur caché derrière ces œuvres), mais l’impact « en vrai » est toujours plus fort : à croire que l’artiste serait inimitable ou non reproductible par la photo ou la peinture. Une sorte de copyright enchâssé dans le tableau (un DRM avant la lettre) qui découragerait toute tentative de capture, de saisie, d’imitation.
Ce serait donc la preuve, « au point du jour », que l’art est parfois, dans certaines circonstances, unique (comme tel ou tel livre qui a acquis la stature d’un monolithe noir à la Kubrick).
texte : Dominique Hasselmann
photos : Julien Boutonnier
Vous pouvez lire mon texte sur son blog ici.
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Il la regarde comme incrustée dans le paysage ensoleillé, épousant la pente douce et donnant l’échelle des proportions : la montagne comme vigie définitive.
Cette maison lui rappelle un souvenir d’enfance, quand il a habité dans un quartier excentré de Vesoul (Haute-Saône), après la mort de son père et l’abandon de l’appartement de fonction du lycée.
Les volets, avec le Z qui lui faisait penser à Zorro, sont presque les mêmes, l’environnement s’imposait différemment : d’autres maisons du même type formaient une sorte de lotissement, les voisins d’en face s’appelaient Pataille, leurs fils étaient des copains et un petit parking permettait de garer la 2 cv dehors – pendant quelque temps ce fut même une Chevrolet Corvair, achetée d’occasion ! – tandis que la Dauphine puis la R8 de sa mère avaient droit au garage fermé.
Il se disait aussi que leur chien-loup Django (baptisé ainsi par son frère et lui en pensant au guitariste de jazz), récupéré à la SPA, aurait été heureux de pouvoir gambader dans la campagne et respirer le grand air – même si les bords du Durgeon ou la route des Forts n’étaient pas si loin.
Dans le sous-sol, il y avait un petit espace avec lavabo qu’ils avaient aménagé en labo(vo) photographique : quand la lampe rouge était allumée, ils pouvaient faire naviguer les photos de cuve en bacs (révélateur, rinçage, fixateur à l’odeur acide) et ensuite pendre les épreuves, développées, révélées, à des fils grâce à des pinces à linge en bois, et jouer avec l’agrandisseur sur la tige élévatrice.
Un mauvais jour, la maison fut occupée par d’autres personnes, mais elle demeure toujours plantée au même endroit, la montagne en moins (la colline de La Motte ne fait pas vraiment le poids).
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La barre s’étend et son rougeoiment ressemble à une aciérie dans le ciel. Est-il facile d’imaginer un remake de Cela s’appelle l’aurore de Buñuel ? Combien d’aubes se sont-elles levées – même celle de la communion solennelle, de couleur virginale, avec le missel offert et ses pages de papier « bible » avant de connaître celles de la Pléiade – de nuages se pourchassant ou s’amusant à colin-maillard, de feux embrasant l’espace et ses espèces, de traits puissants de peinture comme étalés par un artiste géant et riant dans sa barbe blanche ?
Ce souvenir d’un matin de rosée, d’une tente ouverte, de la verdure alentour et de la journée ouverte : éclosion de la sensation, réminiscence d’un début, comme l’introduction à un chapitre de vingt-quatre heures qui serait clos ensuite par un tableau formidable (visite gratuite, pas de file d’attente), au cadre sans bords, à l’horizon illimité sauf peut-être par un bosquet d’arbres, un poteau électrique à forme humaine avec sa tête, ses bras, ses jambes, ou le tracé blanc, qui se dissoudrait peu à peu, d’un avion à réaction.
La peinture céleste n’est pas assez mise en valeur : combien l’admirent dans la réalité ? Certains grands peintres ont reproduit ces visions uniques (souvent avec un éventail de rayons devant faire penser au Créateur caché derrière ces œuvres), mais l’impact « en vrai » est toujours plus fort : à croire que l’artiste serait inimitable ou non reproductible par la photo ou la peinture. Une sorte de copyright enchâssé dans le tableau (un DRM avant la lettre) qui découragerait toute tentative de capture, de saisie, d’imitation.
Ce serait donc la preuve, « au point du jour », que l’art est parfois, dans certaines circonstances, unique (comme tel ou tel livre qui a acquis la stature d’un monolithe noir à la Kubrick).
photos : Julien Boutonnier
7 commentaires:
ricochets : imaginer ce que ces deux images pourraient engendrer en chacun (vertige de l'infini) ou bien quelques thèmes : le chien/la maison de l'enfance..., un coucher/lever de soleil(plus vertigineux peut-être encore ?). Distanciation/projection, l'auteur/le lecteur
2/2 Le vent d'une histoire en éteignoir du réverbère.
J'enregistre, dans ce texte-ci, une grande complicité entre le blagueur ici hébergé et le titulaire du blog. On n'a pas seulement choisi un thème commun, on ne s'est pas non plus bornés à se donner des suggestions réciproques avec des images. Le voyage à rebours vers les "lieux' du passé est conduit "au vol". Si le vol d'oiseau dans le texte de Boutonnier permet la vision aérienne et même a photographie des lieux tel qu'ils sont (ou qu'ils étaient) un avion à réaction brise le ciel tandis que Hasselmann, avec son frère et son chien Django, fait ressusciter sa passion d'antan de véritable artisan de la photo en noir et blanc... Tout cela, dans un texte poétique, ou les contraintes de la mesure n'empêchent de petits vols et incursions dans la contemporaneité
Rue des fleurs, fanées et immortelles, comme le soleil à son couchant ...
@ louise blau : oui, imaginer n'est jamais terminé.
@ Dominique Autrou : crépuscule à l'aube ?
@ giovanni merloni : plutôt blogueur que blagueur (même si)...
@ Eugénie : une sorte de GPS de la mémoire.
ah l'aspect Corvair de ta (sa) biographie m'avait échappé (l'aspect 2 pattes, moins) (mais je me trompe, probablement) : en tout cas, crépuscule ou aube, incendie, évocation des flammes, du feu, de la joie, du passé et de temps un peu révolu qu'on fait revivre, qu'on se représente, qu'on réinterprète, ces réminiscences parlent et émeuvent...
PdB
@ PdB : merci pour ton passage (j'ai une photo de la voiture américaine).
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