Notes en vue d'un récit sans savoir
J'ai traversé le pays des chimères. Les arbres nus ont dessiné ces dentelures noires sur le bleu maculé de névés fiévreux. Bleu distrait orgueilleux si prompt à déverser son calme rond sur les étendues offertes à l'usure.
Le paysage s'est tu. Les collines ont roulé la tête dans l'épaule et pelotonnées dans la paresse elles ont compté les utilitaires jaunes de La Poste. J'ai voulu l'image du vieux voulu l'image à lire, maman lamentable maman pas maman, maman ne dit jamais rien cyprès murs cyprès murs cyprès...
Dans le silence à peine voilé par la voix du songe dans ce silence sous le suaire du rêve j'ai vu maman j'ai vu les oiseaux gambiller dans l'eau verte des jeunes blés. Et puis j'ai vu leurs envols dans l'haleine sucrée du versant des lumières. Maman tu disais c'est faux quand je pinçais mal notre guitare, ça me froissait les entrailles, j'aurais voulu déchirer ta gueule. Les consistances de l'air aux yeux de chat m'ont regardé et moi aussi je les ai regardées on a souri du Cheshire on a disparu.
Vers la photo du rêve j'ai conduit les espérances honteuses. J'ai ouvert la vitre pour sentir l'odeur étrange des songes. J'ai roulé vers l'image qui soigne mais je savais très bien qu'elle ne soignerait rien. J'ai roulé vers l'image qui sauve mais je savais très bien qu'elle ne me sauverait pas. Pourtant j'ai roulé, par fidélité envers le rêve, par fidélité envers l'Autre du rêve. J'ai obéi, j'ai courbé l'échine, par fidélité envers le texte qui roule vers l'image, cette image insensée qui n'existe pas et qui a changé ma vie. J'ai vu les ordres mendiants des mots quêter le récit. Je les ai vus prendre d'assaut la misère de mes pores, creuser chaque millimètre de ma surface pour y déceler un vocable, une histoire, un conte. J'ai fermé la vitre, j'ai appuyé sur l'accélérateur, j'ai fermé les yeux, la route a pris le volant, j'ai hurlé peur joie douleur vivre.
M.E.R.E, Voyage à Mazamet, notes, 28/03/2013
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