jeudi 28 mars 2013

330 - peut(-)être un journal

Ici bas, je ne suis guère saisissable car j'habite aussi bien chez les morts que chez ceux qui ne sont pas nés encore, un peu plus proche de la création qu'il n'est habituel, bien loin d'en être jamais assez proche.

Paul Klee

*

Au dépourvu:

La pluie lasse le gué vers nos liens, laisse la cendre luire sur la route. Nos mains creusent dans les choses de loin. Un peu de paix courbe dans l'air déporté du vent des voitures, niche entre les doigts de ta patience en sous-bois. 
*

#MMERE

En écrivant la balise F (0,M), je comprends que la soupe que me tend le vieux dans le rêve est sans doute la soupe de quelqu'un d'autre. Les miettes au fond attestent qu'on y a trempé des tartines. Tout m'enjoint, dans l'intuition, à considérer que ce breuvage est celui de la morte. Comme un dernier repas. Ou comme une soupe empoisonnée, la pomme de blanche-neige peut-être. Que représente boire ce poison? Que représente ce breuvage dans lequel ma mère aurait trempé ses dernières tartines? Serait-ce une sorte de testament, une image (du genre: mourir, c'est boire la tasse...), un objet de transmission?

Le ridicule de l'expression : Ses dernières tartines.
Avant de mourir, son souhait fut de tremper des tranches de pain grillé dans une soupe miso. Ce furent là ses dernières tartines. 

*

Vacanche matin:
La durée mate du jour, dans l'absence tranquille des voitures, lumière diffuse qu'un crêpe de nuages filtre jusqu'au murmure, l'espace chuchote, les flèches au sol, à moitié effacées, indiquent des chemins désencombrés, vacants, aux sourires monalisiens. Je vais vers l'achat de croissants.

*

Rêve:
proto-publicités de Lindt et Vache qui rit: des enfants en blouse et masque sous le bras beuglent des slogans dans les prairies et les alpages en compagnie d'un bestiaire épouvantable.

*

Eduquer nos enfants à traverser la catastrophe.

*

#MMERE

J'ai fait le voyage à Mazamet. Reste à laisser aller l'écriture en vue d'un récit sans doute très onirique.



*

Lecture de C. Dugot Duvauroux, Le vent chaule suivi de l'Herbe écrit chez José Corti.

Ce texte cause une soif terrible. J'ai envie de sucer ce texte, de le manger jusqu'à ce qu'il n'en reste rien. C'est un désir que produit cette écriture: désir de goûter ces mots jusqu'à satiété, cette singularité d'une langue, cet essort constant de combinaisons de mots uniques vers le dire autre.

un sanglot pour ressac au déchant d'amitié sous le plain chant du deuil une brèvE
et l'idée ploie sous l'élémenT
le seuil veuf et puis le caractère seul traversanT
p64


gorge

et la lumière s'émiette à braise d'oeil et crépite

nuit

vient le matin tomber la neige tombent
ceux qui nous aiment

croule un bécasse

figés d'absence il neige lourdement

p24

*

La poésie est un échec aux yeux de chat.

La poésie est une venelle de nuit sous la table de bleu.

*

Aujourd'hui, je me surprends à délaisser le savoir. Ce qui s'ensuit, c'est la poésie, à lire, à écrire, comme atelier de vie où séjourner entr'heures, comme outil d'habiter le monde et la peau, comme revenu minimal du sentiment d'existence (RMSE, quelle circulaire?).

*


*

Aucun commentaire: