mardi 8 septembre 2015

547 - peut(-)être un journal








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Voilà plusieurs mois que j'éprouve une réticence à écrire dans ce journal. C'est que j'ai le sentiment d'un ratage, pas tant d'une écriture d'ailleurs que de mon implication citoyenne. Et c'est une confusion qui ravage.
Il y a aussi une insatisfaction chronique. Ou plutôt, il serait plus adéquat de signifier cela sous les auspices d'un renouvellement. Une transition, à moins que ce ne soit une fin, me traverse. Et je me trouve comme sidéré.
Parce qu'une cause demande une durée certaine pour se révéler. Et cette durée constitue de la nuit.

L'écriture, je le perçois, est une vie, plus qu'une activité, c'est-à-dire qu'elle n'est pas de l'ordre d'un attribut, elle intervient au désir. Elle lui prête une substance, une teneur et un goût. De ce goût je pourrais dire qu'il est la vérité, une manifestation de la vérité. Il y a d'autres matières possibles pour la vérité. La religion, le politique, le travail en sont sans doute, dès lors que l'on s'y engage avec suffisamment de ferveur, ce qui n'exclut pas la méditation. Je ne parle pas d'agitation mais d'incandescence.
Aujourd'hui, il se pourrait que j'atteigne à ce point où désir se donne comme vacant. C'est un péril. C'est une chance.
J'y vois la conséquence de deux événements qui se sont succédé en peu de temps: la publication de "Ma mère est lamentable" et la fin de ma cure psychanalytique après 17 ans de paroles allongées.
Ce que j'ai écrit jusqu'à aujourd'hui fut une manière de cheminer vers ce vide au désir. Et je constate un retournement: l'écriture maintenant se révèle en soi. Il en va d'un désir. Il en va donc d'un impossible. Il en va d'une relativisation extrême de l'acte d'écriture. Rien compte plus qu'écrire désormais.
Rien n'est moins étranger à une écriture entendue, qu'un isolement de cet acte, qu'un retrait du quotidien: qu'un absolu.
Je pense au vide.
Je pense au ludique.
Comment être citoyen?

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Ma plaine n'est pas très grande. Elle s'étend sur une centaine de kilomètres carrés. Elle est bordée à l'ouest par le fleuve et à l'est par le massif. On y trouve des animaux, des arbres, deux villages. Au nord il y a la forêt, au sud c'est l'industrie.  


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livre-avril est un passage, non pas un livre. A terme, il est de la nature d'une pierre. Il ne peut être question de l'ouvrir. Il ne peut être question de le lire. On le soupèse à la rigueur, et puis on le pose quelque part. Comme une amulette d'un autre temps, d'une autre culture.

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et soudain la joie

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et puis la mort a tout ravagé
et la vie commence - je me dis ça - je vois les feuilles du figuier pleines de lumière du soir - c'est foutu - émerveillement moins - et c'est éprouvé - et c'est quoi - vivre vieux - jeune

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Dans ma plaine, il y a de petits cailloux disposés sur les chemins. Ils gémissent à peine quand je marche dessus. C'est un petit couinement (de bestiole), quelque chose de plaintif mais aussi de béat. Ces soupirs remontent le long de mes jambes, jusqu'aux genoux, au niveau desquels ils s'évanouissent, comme une vague s'émousse sur le sable. A chacun de mes pas, je les sens glisser sur mon épiderme, légers, ascendants, si bien que j'ai l'impression de marcher dans un champ de voisements.
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Du sentiment d'être soi : texte sur mon rapport à la Shoah sur l'excellent site de Serge Bonnery.

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La poésie, je ne comprends plus. Pourquoi une définition? Puisqu'elle excède sans cesse. Puisqu'elle est infidélité. Elle n'est pas là où sont les poètes. D'ailleurs un poète ça n'existe pas. D'ailleurs la poésie n'est pas là où est la poésie. Elle se terre dans l'avenir. A l'abri dans cette sorte d'épaisseur qui est une surface seule. 

Et je me trouve | gêné. 
Une chose à faire: _____________________________

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Cette année, je travaille à temps-plein. Il y aura moins de temps pour la lecture et l'écriture. Je vais néanmoins continuer d'entretenir ce blog, sans doute par le biais de ce journal fourre-tout. 

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Parution de quelques poèmes dans l'excellente revue Mange Monde chez Raphaël de Surtis. On peut y lire un long entretien avec Pascal Dubost, une anthologie de jeunes auteurs: Pauline Catherinot, Armand Dupuy...

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Je regarde, ou plutôt je ressens, le reflet du jour sur le bois du parquet, dans l'alignement de l'ajour de la porte d'entrée; et cela me dit que le temps passe. C'est une image du pouls, cette zone blanche sur le sol, un silence du sang mis en espace, en deux dimensions, presque déjà une feuille vierge. Il faudrait que je marche longtemps dans la forêt pour revenir sur les pas qui me feront demain. 

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J'ai lu que Brigetoun avait décidé de stopper Paumée
C'est une balise qui cesse-là. 
Sera-ce pour un temps seulement? 

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poème: quelque chose qui n'existe pas
cesser donc
avec ce ventre aigu du meurtre
pour visage
      et dans le sang écraser ma gueule jusqu'à la fleur

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Les cailloux des chemins sont crayeux. Ils tranchent vivement sur le fond vert de l'herbe omniprésente. Ils se teintent de rose au soir couchant. La nuit, j'ai remarqué qu'une certaine phosphorescence irradiait de leur multitude. C'est une presque lumière, une luisance caressante, qu'on pourrait comparer à celle de la lune bien qu'elle soit moins spectrale, sans doute parce que d'une couleur plus profonde où je décèle du jaune, du vert et du bleu. C'est un spectacle moindre, magnifique, que de constater ce phénomène photo-luminescent filer en lignes courbes vers l'horizon de nuit. Quand vient le sommeil, je m'allonge à l'orée de cette lumière. Avant de sombrer, durant quelques secondes, je regarde de minuscules insectes flotter dans les couleurs qui se mêlent et se distinguent tour à tour, comme les rêves réunis de plusieurs hommes. C'est là fréquemment la dernière vision de mes journées.

il manque quelqu'un 
pour s'occuper
de celui qui écrit
à mon nom : 
                                   " sans doute un masque qui aurait une voix fraternelle "

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mutisme larmoyant / belle lyrisme : un oeil a renversé  

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en allant au travail,

      le rouge-queue
qui volette devant,

      cette salutation
               du vivant

et comment mes pensées s'effondrent

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" trois, trois, trois quoi?, tu entends, surtout elle m'a dit trois princes, elle a dit je suis amoureuse je veux trois princes, il faut dormir avec moi, les trois amoureux, moi je me mets comme ça "



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incompréhension devant le fleuve. saisi par un fleuve... je ne comprends pas un fleuve. je perçois, ou bien je devine, qu'un fleuve est une adresse qui excède ce que je peux dans l'ordre de l'intuition. peut-être est-ce dû à cette façon de ruissellement immense? je pense à ce visage du fleuve, si particulier, si changeant, qui semble à chaque instant : augurer... et pourtant, je me tiens là, devant un fleuve, et je suis dépassé. c'est qu'un fleuve me saisit. c'est qu'il me touche. c'est qu'il fait de moi une femme. comment penser cela?  

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Fais pas la gueule, arrête de t'énervette."

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Ma femme me dit que je ne parle que des Camps. C'est une exagération. Mais elle exprime une vérité néanmoins. Pour moi, l'énigme de la vie a pris pour visage les Camps. Il y en eut pour qui cela fut le visage du Christ, une architecture, une montagne...

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Daech:
il est troublant de penser que ces assassins se disent musulmans, eux qui tuent à tour de bras, à la façon du génocide par balles sur le front de l'Est, eux qui tuent à la façon des nazis donc, quand dans les camps de concentration un musulman désignait un homme qui n'en était plus un, un vivant déjà mort. 

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La mort n'est pas la fin de ta vie. 
Ta vie n'a pas besoin de toi pour continuer parmi les autres.

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Castorama

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Il me reste 24 balises à finaliser. Cela me paraît titanesque. Si j'arrive à en faire une par semaine, je finis au printemps. Il me reste encore à écrire le film qui sera la dernière balise, organiser le tatouage filmé, tourner le film, monter le film, construire le site avec Philippe...
Je vais remplir un dossier d'aide à la création du centre régional du livre de Midi-Pyrénées.


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J'observe que mes tendances monastiques forcissent: je prends à nouveau le fromage blanc sans sucre. 

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2 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Une étape, comme pour les Migrants (on vient toujours d'ailleurs), du blanc dans l'écriture et un film à l'horizon.

Foutre le camp.

Anonyme a dit…

jemégarecertainememaislefromageblansansucrecestpasbon.