mardi 4 septembre 2012

198 - Les indécidables - 1

Hier soir, j'ai regardé ma fille gravir l'escalier de la maison, marche près marche, hissant, dans un labeur de forçat, tant bien que mal, le marche-pied acheté dans les ténèbres jaunes et bleu d'une grande enseigne spécialisée dans l'aménagement à très bas coût de nos habitats. 


En fait, ce n'est pas tout à fait ce modèle-là parce que celui de Joseph, Clarisse et Sarah n'est pas courbe et les pastilles antidérapantes sont gris souris. Je note au passage que, sur la page web de cette grande enseigne maléfique qui, par je-ne-sais-quelle sorcellerie a attiré ma petite famille dans son antre chtonienne, sur cette page web donc, où l'on peut contempler cette photo, je note au passage que six personnes ont liké ce truc moche en plastique sur Facebook. Sans doute des esprits pratiquopratiques à l'extrême ou bien de grands cyniques...

Joseph, quand il a regardé sa fille âgée de deux ans gravir l'escalier en poussant tant que bien mal ce marche-pied devant elle, sans raison apparente, avec tant d'acharnement, a pensé à l'homme, à ces forces obscures qui nous meuvent et nous poussent à exprimer, par divers moyens, ce qu'énonce Pascal avec son habituelle économie de moyens : l'homme passe l'homme. Il est son propre dépassement. Son truc, si je puis dire, c'est le transport de lui-même vers plus que lui-même.
Et Sarah, quand elle a délaissé l'objet de sa peine aussitôt arrivée à l'étage, a fait montre de l'attitude la plus humaine, la plus cohérente et la moins pratique qui soit. Le but de son action est bien resté, jusqu'au bout, cet effort, ce geste, qui l'exprime elle, qui la révèle. Ici, aucun enchaînement encore à une logique rationnelle. L'art, le sport, l'élan pour la vie dans son essence même... 

Mon émotion était à son comble. 
Et Joseph s'est dit que la paternité c'était somme toute, parfois, plutôt édifiant.








La lunette d'approche



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