mercredi 26 novembre 2014

490 - LIVRE-AVRIL - 16 D (Provisoire)






Quatrième partie du texte dont je fais mention dans le billet 485. Il y en aura 6.
Parties précédentes ici :  ABCEF





Oh ! il s’érigeait haut de plusieurs mètres ! Il culminait loin là-bas à la frange du trépas, aux confins du mystère, là où les noms se révèlent se meurent. Au blanc éclat sa chair d’argent, que ne trahissait le moindre frémissement et pourtant nébuleuse... insaisissable fixité, sans contours distincts, qui abîmait nos regards sans cesse esseulés, parée de somptueuses gemmes, arborait-elle des turquoises finement ciselées, sertis à même le derme vaporeux la cornaline rouge orangé, le feldspath vert la mauve améthyste, enchâssés dans un nuage les sombres grenats, jaspes finement rubanés et verts rouges bruns et noirs et le cristal de roche en cascades, faisceaux adamantins s’éployaient, magnifiquement scintillaient dans les nimbes. Vêtu d’un simple pagne de lin royal, le radieux nu indifférent aux vigueurs hiémales. Ses cheveux de lapis-lazuli céruléen encadrait son sombre visage d’Ibis. Plumes noires éclat d’ébène, long bec voussure effilée. Ses petits yeux d’oiseau sage fixement nous observaient, lointain cosmogoniques autant qu’impénétrables, inquiétant regard pas de ce monde, il vibrait imperceptiblement, enchatonné dans l’estafilade ronde et oblongue. C’était un ovale hadal secrète entaille à l’iris. Une meurtrière encastrée dans un pan de plumes. 
Mystères... obscurité d’hyposcenium qu’on y verra jamais clair...
— C’est un dieu ?... je chuchote à Hans.
— C’est une pub peut-être... qu’il me répond. 
J’eus la sensation d’une chute vertigineuse. Un profond soupir, il me pillait. Tout mon souffle... c’était un désenchantement, sans appel. Il eût fallu prier avec ferveur je crois. Je n’en savais rien! 
Seule une lâche larme fâcha ma fierté. 
Une lunule, pâle en suspens dans l’atmosphère, elle frémissait comme un reflet sur l’eau, étrange à l’éminence de l’ibis – qu’il était beau ! –, telle un signe de royauté, un noble organe dont la pointe déclive se perdait dans le halo surnaturel qui ceignait le radieux.
Et ma larme s’épuisait ; elle flanquait mon blase.
Un babouin sénile grimpa tranquillement le magnifique – qu’il était beau ! –, et s’assit à croupetons sur son épaule ; il maniait à des fins badines, semblait-il, un vieux calame usé. Il nous regarda et sa face de chien, que voilait comme une mélancolie douce quoique désespérée, nous renvoyait à notre absurde condition, forcément absurde, essentiellement. Il me sembla comprendre ma larme... cependant qu’il montra ses dents, et sa stupide animalité, et je n’en savais plus rien. Il criaillait, tantôt ; il baignait dans la brume des nimbes, bête... magnifique.
Le sacré ? 
— Un truc au fast food peut-être ?... Hans... Pourtant, c’était divin ! Oh !
Le nabot... lequel se tenait tranquille – on eût dit qu’il était puni au coin ; faisait moins le malin là à côté du radieux – qu’il était beau ! grandiose ! sublime ! –, son gros visage de mâtin minable prophète, il s’y foutait des baffes, maintenant se cabossait la gueule pléthore de gifles bien violentes se tuméfiait la peau qu’elle en devint violacée à force de gnons. Le nez déjeté. La mâchoire dans le front. Soufflé de paupières et plaies contuses. Massacra sa bouille mais qu’il n’exprimait pas de colère, que nenni, pas une once de douleur même, rien... aucun affect n’accompagnait ses torgnoles répétées si bien qu’on n’en pouvait pas deviner le sens. Pourquoi qu’il tape ? Cela faisait l’impression étrange d’une mécanique. Robotique pantomime. Gestuelle de machine à châtaigne elle semblait se suffire d’elle-même. Tempo métronomique. Paf ! et pif ! démantibulèrent sa gueule en silence. Longtemps. Un bras puis l’autre. Consciencieusement se défonça le visage paf ! et pif ! les horions, leur bruit mat, ils résonnaient sur les allées Jean Jaurès où y’avait un de ces publics ! Même les employés du fast food avaient délaissé leur tâche pour voir la massacration, comme le rétréci se déglinguait la figure, reconfigurait sa géographie. Paf ! et pif ! méthodiquement. Et ça durait – mais pourquoi qu’il tape ? – ...que le relief de sa face devint de moins en moins distinct, une boursouflure, uniforme... comme un embryon précoce. La cadence paf ! et pif ! que ça suit et paf ! pif !... Il y eut un rire dans la foule. Un autre lui répondit... la rigolade se diffusa en un éclair dans  l’assistance d’autant plus qu’on comprenait pas ce qu’il foutait le petit homme à se démolir le portrait de la sorte. Oui c’était on ne peut plus comique, soudain, cet olibrius qui se réaménage le minois sans raison apparente. Bien appliqué. Studieuse branlée. Ah ! On s’est bien marré ! Une taloche main droite ahahah ! une taloche main gauche ohohoh ! Ah là ! Le fou rire ! La pantalonnade ! Pathétique ! Trop rigolo l’ostrogoth à petits membres ! Lui demeurait clinique, concentré il saignait ; à grosses gouttes même les estocades. Ecorchures. Entailles. Dégueulasse le ruissellement dégueulasse à gerber la carnation misérable bleuie sous rus d’hémoglobine. Et ça gloussait les gens écœurés ! Splatch ! et splotch ! les coups donnaient dans du mou liquoreux. Tel un automate il n’en démordait pas de ses beignes. Pourquoi qu’il tape ? Droite, gauche ça éclaboussait tout autour, des geysers de tambouille sanguine, lamentable, droite, gauche, des girandoles de sang s’épanouissaient sous la pression des phalanges, droite, gauche, et ainsi... et ainsi sa frimousse c’était plus qu’une plaie, infâme, et ainsi... droite, gauche incessant carnage, ça s’esclaffe le public horrifié, splatch et splotch, droite, gauche, pas un râle, rien de rien de rien d’humain là dedans, squon s’marre, ignoble, droite, gauche, encore, encore, ah ben c’est drôle, splatch et splotch, le binôme hilare, droite, gauche, pendant des heures, crevasse sa peau, chcroubouillasse, ça gicle, c’est le bonheur, droite, gauche, on y est, c’est pour ça qu’il tape, morula blastula gastrula sa gueule, juste un amas, sans humanité, juste ça du machin chose innommable, droite, gauche, encore, encore, on s’échappe de sa gueule, merci, merci mon brave, plus rien de l’homme, on échappe, il nous récrée, c’est la délivrance tout de même d’échapper au visage de l’autre, ça repose, c’est pour ça sans doute les mandales, par esprit de sacrifice, il se destitue, anonyme qu’il devient, enfin on peut s’en foutre de la compassion, et de l’amour, quand y a plus de visage, on se laisse aller, droite, gauche, tout le monde tape des mains, en rythme, splatch et splotch, gerbes de sang, c’est la fête, il a plus de visage, on se soulage, on fait caca, on tape des mains, comme des gosses, le spectacle contemporain, merci le nain, sans visage il était comme Jésus un peu pour nous, ah !, mais quel soulagement ! 
Cessa, sans motif apparent, sa froide tourmente. 



















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