jeudi 27 novembre 2014

491 - LIVRE-AVRIL - 16 E (provisoire)






Cinquième partie du texte dont je fais mention dans le billet 485. Il y en aura 6.
Parties précédentes ici : ABC, DF





Alors, nous, on applaudit ; pas ingrats tout de même ! Squon rigole !
Il ramassa sa marotte à hologramme et son bonnet tricorne à grelots ; sans se soucier de sa blessure il se planta à nouveau tel le cancre au coin ; silhouette tristounette oui, les mains dans le dos et sur ses bottes à chaudron dégouttait le sang de sa gueule... Et nous qu’on rigolait. 
Bof, pfff... 
Ma larme, du bout de la langue je l’avais gobée. Même pas je m’en souvenais. 
Je rigolais. 
Tandis que tout ça, la japonaise... son visage tout en mutines rondeurs émergeait d’un flot de voiles ivoirins comme un parangon serti sur du vent ; si ses lèvres avaient la teinte presque noire d’une cerise comblée de soleil, sa peau fardée semblait faire écho à la douce blancheur des pétales qui la promettent ; quant à ses cheveux de jais strictement noués par un antique chignon traversé d’un jonchet en merisier, sa chevelure d’ébène comme contrepoint nécessaire à l’immaculé minois... Ses lèvres se gonflèrent, ses prunelles vacillantes et tout son corps à la suite, elle se mut doucement, voletaient les étoffes soyeuses quand apparut un sistre à sa main, lequel manié avec délicatesse sur le même tempo unit tous nos cœurs, tatam... tatam... tatam... le pouls apaisé, tricote tranquille l’afflux dans les veines on était bien là, oh oui ! Elle glissa vers le radieux, langoureusement, elle dansait, oh ! l’almée ! roucoulait des hanches, lento, lento suggestives, les ondoyantes langueurs faisaient dans sa chair des frissons, lascifs comme en un songe de sybarite. Ça m’a foutu une douce trique. Curieux, je regardai Hans : l’avait la mâchoire lui aux orteils tellement il en revenait pas. Tatam... tatam... tatam... nos pulsations cardiaques concordaient, la symbiose tous ensemble en prière et chaloupait, elle cambrait virtuose la frêle bayadère entre les jambes du géant – qu’il était beau ! ; elle déhanchait sévère et lentement, de la caresse sensationnelle ; c’était érotique ! C’était sacré ! Ô ! le divin ! il imprégnait tout le réel ! On rigolait plus là non ! Nous étions tous très beaux, comme habités par de célestes luminaires : le derme phosphorescent à l’ombre du radieux. L’enchanteresse contorsionnait, entortillait nos attirances, ses voltes harmonieuses, ses souplesses accortes... elle s’enroula à la colossale cheville comme pampre sur la treille, et se figea au faîte de sa délicate vénusté, et blanche dans la blanche auréole sembla s’assoupir. On vit le jonchet glisser et choir sur le bitume, alors ses longs, longs, longs cheveux dégringolèrent librement. Ils embaumèrent l’atmosphère d’une fragrance rose incarnadine. Ils figuraient une cascatelle nuitamment. Personne ne bronchait ne pipait mot. On entendait le petit vacarme au loin, celui de la ville dont d’habitude on n’y prête pas attention, les turbines d’un avion aussi, quelques piafs... Au garde-à-vous, figés le regard dense, ils nous bluffaient tous à plus rien faire, même pas le cheveu la plume qui tremblotaient au vent : inanimé caillou, sur le trottoir. Comme ça l’attente dura une lune, peut-être deux. 
Ce fut lors de ces instants en suspens, bien loin de tout quotidien, dans cette alcôve lumineuse imprégnée de sacré que Gina, son image, me dérobèrent à ma liberté au profit d’une incandescente aliénation à laquelle je consentis de tout mon être. Elles squattèrent mon cœur que je leur cédai ; bien trop lourd ce cœur ! J’en voulais plus ! Faisez-en ce que vous voulez mademoiselle et votre image ! Moi je croque le cœur des étoiles filantes je suis éthéré sans matière et sans poids je suis éthéré je danse parmi les évanescences je suis dans le tissu des verbes dans l’intimité des outre-monde je suis éthéré loin loin loin de vos manigances éléphantesques bonhomme en suie de spectre je suis l’ombre autour du halo je suis éthéré dans les plis de la mort je me berce de suavités languides au goût impalpable et glisse je glisse au plus profond des décombres de cimetière je suis éthéré feu follet je ne fais pas parti de votre monde à jamais je suis un enfant ! Je suis un enfant ! Un enfant ! Nom de Dieu ! Elle était superbe ma voleuse ! Son visage avait la signalétique du mort, il en avait les atours et les charmes auxquels je ne pouvais que succomber. D’albâtre sa peau. Bistrées ses cernes. Creusées ses joues. Oh ! le jeune cadavre ! sa silhouette efflanquée ! Oui ! jeune cadavre je me blottirai dans ta chair froide et je te redonnerai vie, par la seule force de mon amour ! La mort n’existe pas. Le sexe n’existe pas. Il n’y a qu’une grande étendue dans un pays de neige, et je suis le souffle hardi qui fait chanter les arbres nus je suis l’humeur désespérée qui fait battre le cœur du cadavre mon amour et j’en souffre de joie, trépan ! Explose ma cervelle... Il y avait une musique, celle d’un pipeau, aux accents médiévaux de foire et montreur d’ours, prière de picard et Villon et rebec elle titillait mon inattention depuis un moment déjà, moi tout entier brassant mon songe quand un phrasé particulièrement vivace m’emportait à sa suite. Je m’enquis de la provenance d’un tel enchantement ; grande surprise ! : je trouvai le nabot suintant le sang soufflait dans sa marotte, ce qui, par une mystérieuse alchimie, intensifiait le pixel, sa netteté, de l’hologramme curieux dont j’ai déjà fait état, couleur de jade et diaphane : un œuf muni de cornes d’aurochs. De trilles en roulades, le ménestrel avec sa margoulette en lambeaux ahanait dans son pipeau, il en avait les plaies qui éruptaient d’autant plus sanguinolentes pour un fameux résultat il faut le dire. C’était un vrai enchantement ses mélodies, la musique : orémus qui nous unissait un peu plus encore la musique, elle nous baladait de joyeux tricotets en lugubres ritournelles, les ascendances émotionnelles, les déprimes qui corrodent l’envie d’être là tout ça c’était rendu à merveille par l’ami nain tandis que l’œuf en trois dimensions, qui sur l’entrefaite avait prodigieusement foisonné, il se fissurait dorénavant. Il s’ébréchait ; se délitait-il en granules luminescents comme nuage de poussière en ignition qui incandescents toujours, se fixaient selon un plan légèrement convexe au sommet de l’espace hologrammique : ainsi, une voûte céleste se matérialisa, et les flammèches y figuraient les étoiles ; ils scintillaient les brandons, oh oui !, surtout quand le lilliputien donnait du volume et des tripes que son visage formait un margouillis écœurant. Peu à peu, émergeant du relief ové, apparut l’aurochs dont la stature et les proportions indiquaient clairement la maturité. Sa robe noire, luisante humide, ganguée du placenta opalescent sur lequel miroitaient d’éphémères bluettes et rutilaient, éblouissantes, d’incessantes cascades d’éclairs sporadiques comme autant d’innervations signant la vie, son apparition, son miracle, sa robe noire où saillaient les muscles tout tendus d’impatience, elle ne présentait qu’une concession à la blancheur ovoïde : un losange blanc, là comme signe d’Hermopolis, sur le front volontaire de la bête. Impatiente. Oh ! elle beugla le taureau, lança ses cornes phalliques fièrement vers les nuées de céphéides, creusa le sillon rageur d’un geste générateur, et multitudes florales y poussèrent aussitôt ! La vie ! La vie ! La musique ! Le compagnon rétréci il balançait des tonitruances des goualantes de feu ! La moindre perle de placenta qui dégouttait, elle chutait hilare – tout en vie ! tout vit ! –, traversait l’atmosphère comme un météorite, et puis se fracassait au sol en un fracas de rire jaillissaient des animaux ou bien des paysages mais encore des végétaux. Et tous dansent ! et tous chantent au nom de D/ieu ! La joie ! La joie ! L’ivresse ! Hou là ! Oui ! L’aurochs, ses naseaux expulsent en puissance du souffle ardent, il racle fougueux du sabot l’informe sous lui l’aurochs tonitruant, brûlant d’agir selon son principe, il n’y tient plus, il beugle l’aube, il se rue dans le monde non advenu et dans sa cavalcade fend l’indifférenciation originelle, crée la fissure primordiale le vent s’y désentortille, il s’y déploie, engoule avide l’espace tout neuf il déferle, et sous ses caresses torrides, juvéniles, le placenta perle, il se défait : il se répand dans le sillage de la charge taurine d’où s’élèvent des mondes et des mondes dans lesquels la bête se rue les créant à sa suite aurorale : surgissent les vestiges généreux de cette folle course génésiaque au son du virtuose pipeau vibrations extravagantes orphiques enflammées – une symphonie lui tout seul ! ; les vestiges : notre planète et ses terres édéniques et ses mers mystérieuses, notre maison magnifique. Nous vivons parmi les décombres d’un ruée cosmique. On est les plantes rudérales. Les bardanes qui s’agrippent à la moindre étoffe un tant soit peu douce on est. Voilà ce que je divaguais tandis que ça jaillissait l’immense diversité des choses. 



















Aucun commentaire: