lundi 30 décembre 2013

411 - Peut(-)être un journal







La vie dans un pli

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au bord de la cour les arbres nus laissent le peu de soleil courir avec les enfants et dire les choses vives et poignantes -
: que des humains jeunes et vieux travaillent ensemble dans la fabrique de l'homme -
école

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Souvenir d'enfant : être terrorisé par le serpent d'un dessin animé, ce cobra que combat une mangouste dans une salle de bain. Et n'en plus pouvoir dormir parce que les plis du drap housse au milieu du lit la nuit sont des serpents qui grouillent et me veulent du mal. 
Comprendre aujourd'hui que ce serpent n'est qu'une image choisie/trouvée par l'inconscient pour cacher/révéler une rencontre bien plus traumatisante, quelque chose d'indicible: 

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Après celui qui tombe c'est Arthur et celui qui a ramassé c'est Melchior et Arthur c'était le jeune. Tu le connais Molca. Molca est un petit bateau qui vient du pérou. Il connaît l'Inde. Mais le marron d'Inde il connaît pas l'Inde. Mais moi je viens de l'Inde, je le crie partout. Celui qui était jeune a couru toutes les mers. Et les piou piou piou sont allés dans le bateau, plouf, bateau sur l'eau, la rivière, la rivière, bateau sur l'eau aseblafelasbla. Oh non! Piou piou piou piou piou piou piou piou piou piou y'a le lion! Oh non! Viens voir, t'inquiètes pas! Oh! pipipipipipipipapapapapapapapapapapapapapa mémémé tu es très... Je vais te mettre un peu comme ça... bateau sur l'eau, bateau sur l'eau et des petits petits, je te fais à manger? c'est moi la cuisinière?

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Tu regardes l'aventure d'un reflet

un flamboiement où la mort se perd.
Dans la lumière d'un feu inaugural.

[...]

Puis vient ce silence laqué par-dessus un peuplier,
des regards incognito plein l'écorce qui coule,
des bouches collées sur d'autres bouches,
   ouvertes, des langues dedans,
des raccords possibles,

nos baisers qui écorchent le vide.

Des dérives de vies parties en bouts de ficelle de
   rien du tout.
Des miettes pour les pigeons;
 faufilées dans la couture des gares.

[...]

Je suis ici.
Dans le trouble extrême d'être.
Ici.
"Pourquoi?" pourrait remplacer "ici".
"Ici" ne ressemble à rien.


Brigitte Giraud, Seulement la vie, tu sais, Raphaël de Surtis, 2012
Pour lire, relire ou découvrir Brigitte Giraud, son blog Paradis bancal, aller voir aussi du côté du site Terre à Ciel, ici précisément.


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dimanche - nous partons au cirque - ciel bleu - froid de froid - penser rien - seulement vivre - debout dans le vif - une fois - essayer - seulement vivre avec les ceux-que-j'aime - partir au risque - être oubli et rien de plus - l'eau qui ruisselle et se perd - déposer les poussières qui font le lit des choses


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JONC SPIRALE!


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ce mouvement de fuite, vers un lieu sonore, l'air irrespirable, irrespirablement sérieux, sérieux et joyeux, pour mon poumon de si maigre amplitude, me dis-je, écoutant Toru Takemitsu, cuisinant une sorte de couscous plein d'amour et de tomates, mais il y manque les pois chiches.


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soir
amour
de résignation 
mais non
notre amour 
se mouvoir dans la blessure
faire avec ces mots qui blessent
qui sont tout l'amour qu'on n'a pas su se donner l'un l'autre


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matin - éclats de voix - rires à l'étage - A et notre fille - cette musique qui intensifie la vie - intensifie la mort au terme - creuser - creuser le sentiment amoureux - la tombe Amour - c'est son nom - son seul véritable nom - la tombe Amour - voilà tout


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Classe.
Les enfants colorient dans le soleil délassé qui s'horizontalise et se répand dans le volume de la pièce. Ces petits corps à l'oeuvre dans une langue défaite. Moment de calme. Quelque chose trépigne peut-être, un fou rire ou bien un jeu de récréation. Je n'en sais rien.
Devant les enfants, rien n'y fait, on n'est pas, on n'est jamais vrai, assez proche du vif de l'instant. Cette exigence de l'eau qui dévale. Voilà la cause de celui qui prétend s'en occuper. 
Et quand ce sont peur et honte qui affleurent dans les yeux d'un enfant, c'est à son coeur arraché et non au sérieux de ma fonction que je dois m'en remettre. Pour qu'on comprenne, à la hauteur de ce que peut, qu'ensemble, enfant autant qu'adulte, on fourmille inlassablement dans nos présences, de vivre et souffrir, d'espérer et décevoir. De violenter l'autre, avec la masse du désir: cette envie de le manger, de l'incorporer à soi. 
Ça ne va pas plus loin, c'est infini. 
Chacun à sa place.
Voilà tout.


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dans la cuisine - au matin - silence et puis des tartines - fatigue - longue - rêche - démiurgique - s'extraire - se tuer à la tâche - labourer - se défaire - rêver une vie - ce bricolage hasardeux - qui casse - qui fuit - qui s'élève et mord la poussière - la tombe Amour


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quand l'ambition s'étiole - soulagement - on ne la ramène plus - il y a un gain d'authenticité - et pourtant - demeurent - des éteules acérées - comme si - on avait fui - une responsabilité essentielle - : qu'est-ce qu'une place? - nos pieds saignent - un possible accommodement avec une lâcheté particulière - un pied qui saigne est toujours l'expression d'une filiation souffrante - : qu'est-ce qu'une place?


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je roule en vélo. vers le psychanalyste. ma séance. soirée. nuit. je remarque un encart fait maison, laconique, sur la vitre arrière d'une voiture : 06.... A vendre. je me dis, l'implicite se réfère à une norme. sans norme pas d'implicite. qu'est-ce qui est à vendre: voilà l'objet de l'implicite. de quoi l'implicite est-il la chair? d'une intimité aux autres et surtout à soi-même? autrement dit, il s'agirait que le monde soit habitable. la norme fait d'un monde notre monde. 
écrire - créer - c'est re-faire de notre monde un monde. briser l'implicite: dépayser. autoriser le voir d'une présence qui aurait pu ne pas être, ou du moins qui aurait pu être autrement. d'une présence extraordinaire.
je me suis arrêté sur le bas-côté de la voie. 
j'écris cette confusion. 
j'ai froid aux doigts.


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"c'est votre côté mangouste" me dit le psychanalyste - cobra - sexe - dessin animé - traumatisme - documentaire - mangouste - couleuvre dans le fossé à Villefranche de Rouergue - phobie - paralysie - terreur dans le lit - petit Hans - Freud - névrose phobique - vipère dans la garrigue - serpent - père sans -
matière à texte?


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ça fait longtemps que je n'ai pas vu C. il me regarde de loin dans le hall du théâtre. je le salue de la main. l'enfant s'approche de moi, en faisant pivoter ses épaules à chaque pas, d'une curieuse façon, les mains dans les poches de son jean. bonjour C, comment vas-tu?. bien, il me répond puis il trépigne, se tortille, me regarde avec une folle attention, un bon moment, finit par demander, tu seras là hier? 


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Un deuil est une histoire d'amour sans lendemain. 



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28

marche. et plus. encore dans le jour tout le jour encore. marche et plus. marche et tant que ça fait plus encore. marche marche. là dans le jour se sent. et jusqu'à la nuit. encore et encore. sans doute. tout le jour. et encore. jusqu'à plus.
jusqu'à plus souffle et encore. dans le jour sombre. et ville lum. jusqu'à nuit et encore. dans la ville noire. jusqu'à l'aube encore marcher. et plus. et plus. et plus.  


&


Fred Griot, Book 0, Dernier Télégramme, 2013
Son site ici, sur twitter : @fgriot


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"Ce qui est important, c'est la théorie que vous faites de votre vie" me dit le psychanalyste pour clôturer la séance. 


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Théorie signifie contemplation et procession
[...]
La théorie signifie être les yeux pour voir ce que l'oeil a lu.


Michèle Cohen-Halimi, Figuren, Eric Pesty éditeur, 2009 


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06 ...
A VENDRE

une théorie de la vie?


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Je n'ai pas encore su faire un choix théorique. Trancher à propos de cela : que croire concernant le motif de ma vie. Quelle contemplation? Quelle procession? 
Ecrire peut-être, est-ce cela? Mais depuis quand écrire ferait la chair d'un vivre? Ecrire, c'est l'air qu'on respire, la lumière dont on procède, ce n'est pas la vie qu'on vit. Ou alors il faut être franc et 
disparaître. 


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Dans le métro bondé, à l'heure de pointe, j'entends pleurer des nourrissons dans le corps serré des gens.


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Je passe le jour en longeant la présence de ma fille. J'y vois des gestes qui poussent comme des bourgeons aux branches des arbres, des gestes neufs qui éclaboussent la vieille peau des choses, qui s'inventent dans le creuset des générations, encore une fois, à la suite de tant d'hommes et femmes; je vois la vie qui pousse dans l'enclos de ma voix où mes paroles limitent, autorisent, proposent, séparent, soutiennent, et c'est toute mon expérience de vivre qui filtre par les volets disjoints de ma conscience et se dépose, pour le meilleur et pour le pire, dans le pays sauvage de ma petite fille.


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Vénus blanche de Willendorf


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