mardi 10 décembre 2013

409 - peut(-)être un journal








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ce sentiment d'à-peine-une-évidence, de presqu'aussitôt-l'oubli, 
quand j'arrête de courir pour arriver à l'heure au rendez-vous - tant pis je serai en retard -, quand je laisse cette rupture dans le rythme envahir ma présence - quelque chose d'océanique et de ténu - ...et que je marche dans un monde révélé de nouveau, dans cette douceur étrange d'un dépaysement, d'un ralentissement... comme mes pas sont ceux d'un autre que moi, à la place que j'occupe, pour une fois, pour de bon, le temps d'un instant. 

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sur le dépaysement - et qu'est-ce qu'une place? écouter Gribinski chez Veinstein:
http://www.franceculture.fr/emission-du-jour-au-lendemain-michel-gribinski-2013-11-29   

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c'est vivre dans la relation amoureuse qui donne un visage au manque - cette porte vers autrui - c'est autrui le corps du manque - l'être aimé m'ouvre au monde - me blesse - et je sors de moi-même par cette blessure précisément - moyen d'enfancer sa vie au fur et à mesure que le temps se réduit entre le moment où je vis et le moment où mon coeur aura cessé de battre - mais comment aimer celle-la même qui me blesse en m'aimant? 

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#METEO

J'arrête de publier le travail de recherche pour METEO. Cela ne colle pas avec l'environnement du peut(-)être. J'ai créé un blogue dédié à ce travail, très basique, un simple contenant: . Je supprime les publications ici pour les déplacer là-bas.

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je regarde les draps défaits du lit -  soir -  accoudé à la commode - j'entends A lire une histoire à la petite - le lit chante, effondré dans une joie des plis - j'écoute cet aria me rêver en silence

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#EDUCATION

M. me donne un dessin où il m'a représenté en héros de manga - genre Dragon Ball - je (?) terrasse un adversaire au bras de fer, tous muscles dehors. Voilà ce qu'on nomme en psychanalyse un signe de transfert. D'autant que ce dessin fut créé pendant que le groupe réfléchissait à la question : qu'est-ce qui rend heureux à l'école?
A moi maintenant d'accueillir cette charge affective, qui se manifeste sous le sceau d'une répétition, qui ne m'est pas seulement adressée, mais réédite avant toute chose une demande d'amour qui trouve sa source dans la petite enfance, à moi donc de me prêter au jeu de cette espérance d'amour, sachant que je ne sais pas ce qu'elle recouvre, et de la laisser s'épanouir dans les prochaines scènes éducatives, afin qu'elle trouve à s'exprimer plus en avant, et que nous (l'équipe) en comprenions quelque chose, et que je puisse y répondre d'une façon qui ne soit pas une répétition du passé mais l'occasion d'une expérience nouvelle, durant laquelle M pourra s'éprouver autrement, intégrer un sentiment de lui-même plus solide, plus valorisé, plus heureux en somme.

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ce matin, j'ai acheté deux croissants en sortant du cabinet du psychanalyste. ce soir, j'ai acheté une chocolatine (un pain au chocolat pour les ceux-du-nord) en sortant de l'école où je suis censé éduquer les ceux-qui-souffrent au nom de la société des ceux-qui-gèrent. 

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il y a la ville en ruines
et les hommes à terre
la mort dedans

je viens de lire ça d'Emmanuel Delabranche. je pense à Jean Prod'hom, à sa série il y a
on est mercredi. voilà que j'ai cinq minutes devant moi, à tuer, comme on dit, avant d'aller chercher ma fille à l'école. cet après-midi j'anime un groupe d'analyse des pratiques. peu de temps donc pour écouter la lumière vaquer à son oisive, ruisselante, insistance. dans ce salon, je vois la boite de kleenex qui brûle, blanche, immobile, elle pleure en silence. je vois une tache de soleil sur le canapé noir, elle regarde je-ne-sais-quoi qui s'invente dans la moelle de mes os. 
en fait,
je vois qu'à la mort à la vie se retire, nécessairement, l'évidence sur le fond de laquelle s'élève un jour nouveau.
pétri de mon profil bas et de mes amputations forcées: 
le nouveau se place au moignon. 
c'est comme ça. 
écrire avec ce qui a été réséqué. 
voilà.

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fente asthme - fente homme

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tarte aux pommes et tarte au citron
Laurence et Nathalie
friend's cafe

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07h15
je déjeune seul. A réveille ma fille. il pleut. les gouttes sur la verrière, sur les tuiles. je me rappelle il y a dix ans quand, vivant seul, je me levais à quatre heures du matin pour écrire frénétiquement. que reste-t-il de ce temps? un texte fou avec des morceaux de chair vive dedans. un texte illisible:

Ce fut lors de ces instants en suspens, bien loin de tout quotidien, dans cette alcôve lumineuse imprégnée de sacré que Gina, son image, me dérobèrent à ma liberté au profit d’une incandescente aliénation à laquelle je consentis de tout mon être. Elles squattèrent mon coeur que je leur cédai ; bien trop lourd ce coeur ! J’en voulais plus ! Faisez-en ce que vous voulez mademoiselle et votre image ! Moi je croque le coeur des étoiles filantes je suis éthéré sans matière et sans poids je suis éthéré je danse parmi les évanescences je suis dans le tissu des verbes dans l’intimité des outre-monde je suis éthéré loin loin loin de vos manigances éléphantesques bonhomme en suie de spectre je suis l’ombre autour du halo je suis éthéré dans les plis de la mort je me berce de suavités languides au goût impalpable et glisse je glisse au plus profond des décombres de cimetière je suis éthéré feu follet je ne fais pas parti de votre monde à jamais je suis un enfant ! Je suis un enfant ! Un enfant ! Nom de Dieu !, elle était superbe ma voleuse ! Son visage avait la signalétique du mort, il en avait les atours et les charmes auxquels je ne pouvais que succomber. D’albâtre sa peau. Bistrées ses cernes. Creusées ses joues. Oh ! le jeune cadavre ! sa silhouette efflanquée ! Oui ! jeune cadavre je me blottirai dans ta chair froide et je te redonnerai vie, par la seule force de mon amour ! La mort n’existe pas. Le sexe n’existe pas. Il n’y a qu’une grande étendue dans un pays de neige, et je suis le souffle hardi qui fait chanter les arbres nus je suis l’humeur désespérée qui fait battre le coeur du cadavre mon amour et j’en souffre de joie, trépan ! Explose ma cervelle... Il y avait une musique, celle d’un pipeau, aux accents médiévaux de foire et montreur d’ours, prière de picard et Villon et rebec elle titillait mon inattention depuis un moment déjà, moi tout entier brassant mon songe quand un phrasé particulièrement vivace m’emporta à sa suite. Je m’enquis de la provenance d’un tel enchantement ; grande surprise ! : je trouvai le nabot suintant le sang soufflait dans sa marotte, ce qui, par une mystérieuse alchimie, intensifiait le pixel, sa netteté, de l’hologramme curieux dont j’ai déjà fait état, couleur de jade et diaphane : un oeuf muni de cornes d’aurochs. De trilles en roulades, le ménestrel avec sa margoulette en lambeaux ahanait dans son pipeau, il en avait les plaies qui éruptaient d’autant plus sanguinolentes pour un fameux résultat il faut le dire. C’était un vrai enchantement ses mélodies, la musique : orémus qui nous unissait un peu plus encore la musique, elle nous baladait de joyeux tricotets en lugubres ritournelles, les ascendances émotionnelles, les déprimes qui corrodent l’envie d’être là tout ça c’était rendu à merveille par l’ami nain tandis que l’oeuf en trois dimensions, qui sur l’entrefaite avait prodigieusement foisonné, il se fissurait dorénavant. Il s’ébréchait ; se délitait-il en granules luminescents comme nuage de poussière en ignition, qui incandescents toujours, se fixaient selon un plan légèrement convexe au sommet de l’espace hologrammique : ainsi, une voûte céleste se matérialisa, et les flammèches y figuraient les étoiles ; ils scintillaient les brandons, oh oui !, surtout quand le liliputien donnait du volume et des tripes que son visage formait un margouillis écoeurant. Peu à peu, émergeant du relief ové, apparut l’aurochs dont la stature et les proportions indiquaient clairement la maturité. Sa robe noire, luisante humide, ganguée du placenta opalescent sur lequel miroitaient d’éphémères bluettes et rutilaient, éblouissantes, d’incessantes cascades d’éclairs sporadiques comme autant d’innervations signant la vie, son apparition, son miracle, sa robe noire où saillaient les muscles tout tendus d’impatience, elle ne présentait qu’une concession à la blancheur ovoïde : un losange blanc, là comme signe d’Hermopolis, sur le front volontaire de la bête. Impatiente. Oh ! elle beugla le taureau, lança ses cornes phalliques fièrement vers les nuées de céphéides, creusa le sillon rageur d’un geste générateur, et multitudes florales y poussèrent aussitôt ! La vie ! La vie ! La musique !, le compagnon rétréci il balançait des tonitruances des goualantes de feu ! La moindre perle de placenta qui dégouttait, elle chutait hilare – tout vie ! tout vit ! –, traversait l’atmosphère comme un météorite, et puis se fracassait au sol en un fracas de rire jaillissaient des animaux ou bien des paysages mais encore des végétaux. Tiens ! Là ! un marabout comique échassier poilant ! Là ! un pataud pingouin ! des pétunias ! dentelures de crêtes ! et moraines ! une marmotte coquine ! une calanque ! une sardine un peu perdue comme ça là toute seule ! du houe ! et tous dansent ! et tous chantent au nom de Dieu ! La joie ! La joie ! L’ivresse ! Hou là ! oui ! L’aurochs, ses naseaux expulsent en puissance du souffle ardent, il racle fougueux du sabot l’informe sous lui l’aurochs tonitruant, brûlant d’agir selon son principe, il n’y tient plus, il beugle l’aube, il se rue dans le monde non advenu et dans sa cavalcade fend l’indifférenciation originelle, crée la fissure primordiale le vent s’y désentortille, il s’y déploie, engoule avide l’espace tout neuf il déferle, et sous ses caresses torrides, juvéniles, le placenta perle, il se défait : il se répand dans le sillage de la charge taurine d’où s’élèvent des mondes et des mondes dans lesquels la bête se rue les créant à sa suite aurorale : surgissent les vestiges généreux de cette folle course génésiaque au son du virtuose pipeau vibrations extravagantes orphiques enflammées – une symphonie lui tout seul ! ; les vestiges : notre planète et ses terres édéniques et ses mers mystérieuses, notre maison magnifique. « Nous vivons parmi les décombres d’un ruée cosmique. On est les plantes rudérales. Les bardanes qui s’agrippent à la moindre étoffe un tant soit peu douce on est. » voilà ce que je divaguais tandis que ça jaillissait l’immense diversité des choses.  

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les textes infinis - cadre d'un écrire - le jour - du jour - et la nuit - encore une marche

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Ce qu'on ne dit pas assez c'est que le bonheur est une épreuve, que la paix est une tension difficilement supportable. 
Être heureux, c'est être lucide quant à la précarité du vivre. ça rend triste. c'est ça le bonheur. ça rend triste et la joie demeure là-dedans. Une joie poignante, pesante, radieuse. On fait plus le malin. On fait le poids. La gloire c'est ça, le poids sans brillance de celui qui répond présent dans la déception incessante d'un bonheur qui te ravine. 
Quelque chose de cruel, qui te fait aimer de vivre.

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Disons que j'essaie de privilégier le goût du vivre à la force de détruire.

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#EDUCATION
On mange.
Lui : L'adolescence c'est l'âge bête.
Elle : Non c'est l'âge con.
Lui : Oui mais on peut dire c'est l'âge bête.
Elle : Oui mais en vrai c'est l'âge con.
Je ne me mêle pas de cette discussion et savoure le poisson pané.

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de m'allonger et de me taire - à ciel ouvert

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Dénoncer le racisme sert au moins à ceci, que ceux qui ne tolèrent pas cette qualité de l'homme, qui meurtrit l'humanité de l'homme, se reconnaissent. Et cela n'est absolument pas moindre. 
Ici , Fred Griot.

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#EDUCATION
L'enfant me demande, voyant que je sors mon calepin dans la cour de récréation: mes idées, est-ce que tu pourras les écrire?

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C'est votre côté mangouste, me dit le psychanalyste avant de clôturer la séance. 

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Hier soir, longue parole dépliée sur le canapé du salon. Avec A, on a regardé ça refaire nos visages.  Après on était bien.

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Le vilain chat menace le petit moineau.

Les vilains chats menacent les petits moineaux.

Les vilains moineaux menacent les petits chats.

Le petit chat menace dix moineaux.

Des petits chats menacent des moineaux.

Le petit chat menace les vilains moineaux.

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Regarde sur You tube de nombreux combats de Mangouste et de cobras.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est toujours drôle effrayant et peut-être un peu surnaturel de lire quelqu'un que l'on connaît bien... de loin. Quelqu'un de si proche, de si familier et pourtant d'étranger. Très beau blog. J'aurai aimé le découvrir autrement, mais je comprends les souffrances comme les secrets doivent parfois rester gardés.
Avec toute mon affection et mes bras toujours ouverts... ta cousine