samedi 27 avril 2013

338 - peut(-)être un journal







Dans la jungle urbaine.

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Tout le monde boit du lait,
moi seul broie du noir.

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J'attends le zénith de la nuit. Quand endormis les hommes cessent de gagner leur vie. J'entends la vie soupirer d'aise. Je la regarde déployer sa faveur immense. 

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#M.E.R.E 
#Voyage à Mazamet
Aller du cérébral au cri. Comme à rebours. Remonter vers la douleur. Démentir l'accroche cérébrale des premiers textes. Exploser... 
Au coeur de l'exploration du territoire du vide via les balises, il s'agit de trouver l'émotion du cri. L'arrachement qui est mort et naissance. 
Travailler de conserve les balises et les notes.

Le cri ne dit rien, pourrait durer des siècles, est vide et mort, inutile, honteux, falsifié, inintéressant, sale, grossier, m'as-tu-vu, puéril, ce cri, le porter haut dans le déferlement des cordes vocales des lettres. 
Ce cri qui n'existe plus, le déterrer, le porter à la lumière pour faire face à cela que je ne suis pas mort, qu'il y a un vide en moi, un vide sidérant qui se trouve être un objet de l'écriture. Ce vide qui dit que je ne suis pas mort, c'est cela que le cri insiste à ne dire jamais. Il y a une éternité, un hors-temps dans le cri. Se dessine la nécessité de mettre en mots maintenant cette expérience du hurlement que j'ai vécu autour de mes vingt ans quand j'étais chanteur de hard-core. Parce que ces cris que je poussais sur scène, c'était exactement cela, des cris qui ne disent rien, qui taisent le vide et puisent dans ce vide, des cris qui me prêtaient une consistance et me faisaient honte. 

"Comment dire? Cela crie mais ne dit plus rien."
Bernard Noël, cité par C. Sagot Duvauroux, Le livre d'El,  p9, José Corti

Les notes en vue d'un cri trouvent leur nécessité dans l'expression d'une vieille colère qui me hante, d'une rancoeur, d'un sentiment plutôt bas et sans doute peu intéressant. Ecrire pour vomir. Assumer cela. Au moins en tant que notes-poèmes. Cela pourra s'effacer en quelques clics. Ne pas perdre de vue la dimension d'atelier de recherche ouvert au public qu'est ce blogue. 
Dans les déchets parfois un trésor.

Ce que j'écris dans les notes en vue d'un cri, en plus d'être médiocre, constitue un démenti rageur de ce que j'ai affirmé dans les 6 premiers textes de M.E.R.E. La contradiction est belle. Rien n'est remis en question. L'ouvrage qui prendra forme peut-être à l'issue de ce travail contiendra cet antagonisme.
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Mes yeux piquent quand fatigue et cela me procure une joie ténue, mate. 
C'est un désordre lent, clair, parlant.

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Journée à ruer dans l'inutile gesticulé. Ce qu'on appelle vivre couramment. Là-dedans, quelques perles de vie, quelques gestes d'amitié, là-dedans le trésor des lumières et des vents. Le regard perce à jour les heures cachées derrière la date pour qui sait s'ennuyer un peu, exister dans trop s'y croire. Et ces heures, hé bien, c'est la source qui se déplace dans le moindre remous du fleuve qu'elle a suscité. 

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Dans le métro, je pense à la mort des gens autour et à la mienne. Je ressens nos corps projetés dans l'éphémère. Je vois nos cadavres allongés là dans la rame comme si déjà nous étions passés. Et je vois les planètes indifférentes tourner dans l'espace comme de grosses vaches idiotes. Et je me dis que ce sang qui palpite alentour est une chose formidable. Et que cela, ce flot d'aurores et de labours, vaut bien un engagement quelconque.

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Joie: Pierre Ménard m'a envoyé la mise en page PDF de mon texte pour la prochaine revue d'ici-là
Joie de participer. 

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Il est certain que le temps porte plutôt au pessimisme, annonce une grande galère; pour autant, rien ne doit nous dévitaliser. Nous n'avons à perdre que tout, rien de notre désir : je veux dire : ce que nous sommes.

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Endurer le poids de soi que révèle l'engagement à long terme (couple, création, travail, amitié, militantisme...) est un périple au cours duquel se donnent à sentir quelques sensibles effets de vérité : on se sent soi parce qu'on est soi. Aucun besoin de justifier, d'expliquer. C'est une récompense donnée aux endurants. Et puis ça passe.

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Un dé à coudre jamais n'abolira le tsar.

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Il y a des jours où seulement durer reste le seul chemin qui s'offre à l'usure. Attendre et se taire dans le pas-à-pas.

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Pour peu qu'on reste à l'écoute, la fatigue révèle le visage derrière soi, cette vérité rêche, cinglante, diffuse.

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Ailleurs:


Tunnel d’une accélération à quatre cylindres quand les rétros ne vibrent pas d’un poil et que l’air est porteur de l’improbable à bruit d’échappement.



Où l'empreinte du regard ?
Où celle de la voix ?
Où la trace des mains ?
Où le sillon des mots ?
Où la marque de l'absence ?
Où le murmure ? Où l'onde ?
Où le tremblement ?
Où la peau ?



Elle palpite. Au cœur du labyrinthe – il en a un – surgit la stature du prisme et des perspectives. Au cœur du labyrinthe – à mi-chemin – surgit la question des proportions et des prolongements.

Je crois que j'ai lu Bataille comme un enfant regarde par le trou d'une serrure, éprouvant pour la toute première fois de la curiosité, curiosité d'un regard saisi d'effroi, lourd d'une angoisse juvénile et lancinante qui, depuis toujours, ne cesse de me hanter... 


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Organisation Unitaire des Aboyeurs Féroces

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