mardi 19 février 2013

318 - peut(-)être un journal

#MMERE J'ai terminé les 32 amorces de balises. Je ne sais pas si ça tient, ni même si cela veut dire quelque chose. Cela me rassure. Et cela m'effraie. Comme vais-je avoir le courage de décliner 32 fois la même figure, en changeant seulement, plus ou moins, de motifs? 
On verra bien.

*

Brrrr
ef 

*


32 amorces de BALISES pour quadriller le territoire du vide : 

0. Les camps - le non-évènement - le rêve de New York 

1. Chambre à gaz/fours – hall devant fleurs/chambre maison – pièce exiguë (écrit)
2. Sélection sur le quai – hall devant fleurs – devant le vieux (écrit)
3. Couloir des douches – couloir de la maison – couloir un peu en pente (écrit)
4. Les barbelés électrifiés – la haie de sapinettes – les murs les cyprès sur la photo (écrit)
5. Sentir les pieds du voisin, tête bêche dans les châlits – entendre des voix dans le lit de la chambre à la maison – attendre avec les amis inconnus dans la pièce exiguë
6. Subir la marche de la mort – monter les escaliers de la maison – marcher dans le couloir un peu en pente
7. Suffoquer dans les chambres à gaz – être sidéré dans la chambre des parents de la maison – ressentir une gêne indescriptible devant le vieux
8. Entendre la fanfare d’Auschwitz (ou Buchenwald?) – écouter un disque de Grease, sting, ou Elton John – entendre le bruit de New York (klaxons, cris, moteurs, voix…)  
9. Boire la soupe du camp – boire la soupe en brique seul dans la cuisine – boire la soupe miso 
10.  Attendre nu dans les vestiaires – Etre nu dans la salle de bain (miroir) – Marcher nu dans le couloir en pente 
11.  A l’appel : on crie mon matricule – J’écris mon nom sur ma main – Je me lève quand vient mon tour d’aller vers le vieux dans l’arrière-boutique
12.  Baisser les yeux devant les yeux d’un Kapo – Voir (halluciner?) les yeux qui me hantent – Etre très gêné devant les yeux bleu lavande du vieux
13.  Voir par terre les cheveux blancs d’un vieux à la tonte – toucher la perruque de maman dans l’armoire à linge – considérer les cheveux blancs du vieux
14.  Remarquer la béquille d’un invalide dans les vestiaires désertés – trouver la prothèse mammaire dans l’armoire à linge – considérer l’ordinateur du vieux 
15.  Trouver la photo d’un chien loup – regarder une photo de femme – écouter le vieux "lire" la photo du paysage humide, murs cyprès
16. BALISE CENTRALE : Tatouage du matricule – écrire mon nom dans ma main – tatouage du vieux sur mon avant bras
17. Regarder le stylo d’un déporté chargé de remplir les registres à l’arrivée des nouveaux déportés – regarder mon stylo encre d’écolier – regarder le stylo du vieux me tatouant 
18.  Porter les cendres des cadavres dans des brouettes – Porter le cartable (?) dans la chambre - Porter la soupe à la bouche
19.  Déposer les cadavres dans les fours – Poser la prothèse de ma mère dans l’armoire à linge des parents – Poser la soupe miso sur la table
20.  Verser les cendres des morts dans l'étang – Verser de l’eau dans un verre – boire la soupe miso
21.  Etre passé à tabac par un kapo – Ecouter l’ambulance s’éloigner – entendre le vieux me dire que ma mère est lamentable
22.  Attendre à l’appel dans le froid – Entendre un téléphone sonner – Attendre après avoir bu la soupe miso, dans la crainte d’avoir été empoisonné 
23. Assister à une pendaison – Voir des infirmiers dans le hall, devant les fleurs (balises 1 et 2) – Boire la soupe miso
24.  Ouvrir la porte des chambres à gaz et voir les cadavres en tas se déverser devant soi – Entendre pleurer quelqu’un dans la maison – sentir l’encre du stylo du vieux sur ma peau
25.  Dans un wagon (simple plate-forme) mourir de froid – Etre seul dans la chambre après le départ de l’ambulance – Voir le vieux me tendre la soupe miso
26.  Arracher les dents en or de la bouche des cadavres – caresser mes lèvres mécaniquement, du bout du doigt – regarder les lèvres du vieux bouger quand il me parle 
27.  Marcher sous la pluie dans le camp – écouter la pluie tambouriner contre la fenêtre de la chambre – regarder la photo du paysage humide sur l’ordinateur
28.  Empiler les cadavres sur le monte-charge – trouver mon chien mort dans le garage – considérer attentivement les murs et les cyprès sur la photo
29.  Faire un tas de côté avec les petits enfants morts qu’on ajoute dans chaque fournée, par dessus les adultes – sentir que quelque chose se brise, sans savoir quoi, dans la chambre – Regarder les miettes de pain au fond du bol de soupe
30.  Voir deux hommes se battre pour un bout de pain – regarder une miette de pain sur le carrelage de ma chambre – regarder les croûtons flotter à la surface de la soupe miso
31.  Partager un mégot avec d’autres – écouter la musique de Grease – attendre avec les amis inconnus dans la pièce exiguë
32.  S’aligner avec d’autres avant d’être fusillé – demeurer dans le silence de la maison – prendre la soupe que me tend le vieux.

*

Il ressort de ce travail de préparation que boire la soupe miso est une forme de mise à mort. J'ai placé le tatouage à mi-chemin, au centre des balises (il faudrait qu'il soit aussi en position centrale sur le repère), comme un pivot, un pilier de l'entreprise. 

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Il faut que je trouve un autre projet à écrire en même temps que les balises, quelque chose de plus léger, de moins impliquant. Comme une respiration... Ou bien, peut-être, faudrait-il que je me foute la paix et profite de la lumière le jour et du silence la nuit.  

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Et maintenant, au boulot!

1 commentaire:

Dominique Hasselmann a dit…

Il ne reste plus qu'à cimenter.