vendredi 18 janvier 2013

305 - peut(-)être un journal

Irène Théry, sur Fr Culture, chez monsieur Finkelkraut (Répliques (de droite)): "Une pratique très ancienne... depuis 1973..." !!!! Il s'en fallut de peu que je sois très ancien; quand à mon frère, c'est un vieillard de 40 ans... 

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15h58
Cette année, je lis Proust, me dis-je, seul, tandis que je mange des pâtes après m'être offert en sacrifice au dieu Supermarché deux heures durant. Et j'ajoute : ce n'est pas possible de continuer comme ça.
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Imaginons que quelqu'un ait un visage d'air qui n'aurait l'air que d'espace. Ce serait un paysage. - Tu as le visage d'un paysage, pourrais-je dire à quelqu'un. Mais à ce quelqu'un, pour lui dire cela,  je lui porte de l'affection. C'est un mot gentil, un mot doux. Le paysage est un élan du coeur. 





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L'autre jour ma femme m'a appelé. Elle était dans la salle de bains avec notre fille qui pataugeait. Cette dernière avait une question a me poser. Elle m'a demandé si ma mère était morte et si j'étais triste. Je lui ai répondu que oui, j'étais triste, mais moins qu'avant, ni tout le temps, et que, surtout, cela ne m'empêchait pas d'être joyeux. Je tremblais sous ma peau, dans mes os.
Je suis certain, mais incapable de le démontrer bien sûr, que cette question de ma fille n'aurait pas trouvé à s'exprimer si je n'écrivais pas M.E.R.E précisément .
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J'ai commencé un blogue pour exister en tant que personne qui écrit et voilà que je rencontre des voix, des mots qui reflètent et proviennent d'autres existences humaines. Ce qui est heureux oui, mais aussi tout à fait logique et parfaitement dans le sens des choses. Et pourtant, c'est une surprise. Comme si l'adresse vivante d'un autre ne pouvait jamais entrer, totalement, dans le cadre de ce qui est prévu, plus ou moins normal, attendu... (Il y a quelque chose d'éminemment morbide dans ce que j'écris là.)

Importance de Twitter et Facebook que je découvre à mille lieux des clichés rebattus. Vrais lieux de convivialité où l'expérience d'échanges et de sympathie est bien réelle. C'est le virtuel qui serait, entendu dans son sens le plus flou et le plus commun aujourd'hui, une notion virtuelle, disons: une représentation qui s'enracine dans le préjugé, l'ignorance...
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La catastrophe, ce n'est pas tant la mort de ma mère que le silence, l'absence de parole qui, pour moi, en ont fait un non-évènement, une sorte de trou noir aspirant mes jours, mes humeurs, mes souhaits. Comment raconter cela? J'ai le sentiment d'avoir fini M.E.R.E. Cette vieille défiance devant le récit qui me reprend. Une hantise. Comme si raconter serait une prostitution, un avilissement. C'est étrange. Je ne sais pas l'expliquer.  
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"Ce gris tranquille du ton, même s'il est modulé, est obtenu."
Antoine Emaz chez Poezibao. Cette phrase, je ne la comprends pas bien, elle est comme un sémaphore étrange dans la nuit.
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Pour de bonnes raisons, je n'ai eu aucun temps pour écrire durant plusieurs jours, à croire que vivre m'a pris tout mon temps. Il y eut une époque où cette invasion de la vie m'aurait révolté. Aujourd'hui je courbe l'échine. C'est une force.

En fait, j'adore être vivant. C'est vivre qui reste rebutant - sauf quand j'abolis la distance avec les objets (personnes et choses), par le truchement de l'amour.
L'amour?
Cette disposition à renoncer à soi pour l’autre, qui est, en définitive, une pratique et un souci rapportés à soi. Que je fonde ma vie en travaillant pour moi ou pour l’autre, C’est toujours de ma vie dont il s’agit, ce que peut-être certains croyants oublient… Jésus, d’abord, se serait sauvé lui-même en acceptant la croix…
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Hier, au moment hypnagogique, je me suis rendu compte que le vide a une préférence pour la verticalité.
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La fatigue est un viatique où sustenter l'amour de soi. Je m'aime plus fatigué que reposé. Pourquoi? Peut-être parce qu'ainsi je suis penché un peu plus, courbé oui, vers ce désarroi contre lequel beaucoup prétendent lutter: le coeur seul de soi.

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Considérable ralentissement. Ecrire pour M.E.R.E me demande de longues plages de travail, ce qui est rare dans ma semaine et puis, par je ne sais quelle superstition, je n'ose écrire autre chose. De plus, je m'oblige à une alternance de M.E.R.E et du journal dans l'ordre de mes publications. C'est idiot. Il faut que cela cesse. 

Reprendre de rien du tout.

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vers là-bas oui

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2 commentaires:

Lucien Suel a dit…

"Vivre va prendre tout mon temps." C'est la dernière phrase de mon roman "Blanche étincelle" ! Très heureux de cette coïncidence !

Julien Boutonnier a dit…

@luciensuel "C'est peut-être la grâce."