dimanche 2 décembre 2012

278 - Puisque nous sommes là






Vendredi 30 septembre 2011
Ma douleur de vivre ressemble aujourd'hui à une miette de pain esseulée sur la table après qu'on y ait passé l'éponge. Elle reste, demeure, interpelle l'immensité relative du plateau; elle n'est pas grand chose; elle insiste, singulière; elle n'est pas négligeable; elle attend un regard, se reconnaît fragile sans pour autant se nier; cette miette, je l'adopte comme un peu de moi-même: je m'adopte en quelque sorte, puisque nous sommes là. Que veux-tu? dirai-je à l'oracle, et ma question n'attend pas de réponse; elle est ma  légitimité. 











marcher près de soi
tout près
à l'écart minimal
de la coïncidence











manger
dans l'oiseau
dans son vol
manger
près de l'aile
sur le frémissement
à peine










Il s'était accoudé à la table misérable. Le silence avait entièrement lieu. Regardait-il quelque chose devant lui? Il n'avait pas remarqué la minuscule miette de pain qui jonchait dans une rainure du plateau. L'ombre partout déversait les froncements et les grognements du camp. 
Attendait-il? 
Il attendait. 
Quoi? 
Lui ne le savait pas. 
C'était écrit. Il l'avait lu sur le petit papier plié qu'il avait trouvé dans la chaussure du musulman
Alors il attendait. C'était risqué d'attendre plutôt que de chercher à survivre. 
Mais il attendait.
Tant que les murs de sa niche tenaient bon sous les assauts du vent. Bientôt l'appel aurait lieu. 
Qu'aurait-il pu faire d'autre?
"Attends" avait-il lu sur le papier du musulman.










comme il pleure 
des larmes grises
tombent 
du ciel gris
c'est la brume
qui caresse les murs
et les places
l'écharpe humide
sur le col du jour
l'enfant de bon matin
meurt 
meurt
meurt
il agonise dans le sourire gris
du jour
du passant
et son coeur humide se dilate
en suspens
il rêve
c'est qu'il rêve
du brouillard épais
de son sommeil
des crêtes et des cimes
déchirantes
des jupes du brouillard
qui glissent
dans le petit vent
et l'odeur
de l'herbe humide
et usée
sous les pas du mort
de l'enfant
sous les pas de l'homme
qui pleure
les larmes grises
tombent du ciel
et les ruines s'épanchent
elles versent
les bêtes et les formes
les caches les jours
des enfants
des enfances
des hommes qui pleurent
peut-être 
de mon temps
j'ai joué aussi
dans les jupes des brumes
dans les brumes humides
et l'herbe sous mes pas
mollissait
tendrement
le silence gris
dans les arbres
dans mes poumons
l'eau grise dans l'air
je l'ai bue
et moi aussi
j'ai pleuré
sous le ciel crayeux
sous le tableau noir de la mort
peut-être
j'ai pleuré
dans ma main quelques murs
ont su
les images
défaites
à l'heure
de la brume










- Maman est en bas
papa est en bas
fait du chocolat









La lunette d'approche






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