jeudi 29 novembre 2012

277 - On joue?












Jeudi 29 novembre 2012
Dans le sillage d'un désir de vivre je poursuis mon oeuvre d'anéantissement. La vie dans les barbelés, dans le Camp, la vie sous le mirador ; comment sommes-nous aveugles de la sorte, quand l'imminence d'une catastrophe se fait monde, se fait chair, se fait parole? Néanmoins rien ne détourne le témoin de ce qu'il ne voit plus: l'horreur qu'il est en tout lieu, ce vestige de mort dans les Plaines, ce reste lesté de désespoir, d'orgueil et de suffisance. Ô nuit barbelée, ta sagesse se rit de mes pores, de mon idiote épaisseur, ta lumière de suie colle à ma peau, poursuit mon épiderme. Je m'arrache à tes songes, je cherche le jour fébrile de ma naissance, je cherche le jour fébrile de ma journée vivante, le souris de l'aimée, la caresse de la Culture, le jeu de l'enfant, je cherche dans l'horreur que je suis la première fois à venir, la mauvaise blague qu'est ma vie, l'écho dévasté d'un savoir innocent, le bal enchanté des faméliques déportés.









Le camp de concentration est imaginable exclusivement comme texte littéraire, non comme réalité. (Pas même - et peut-être surtout pas - quand on le vit).
 Imre Kertész, journal, p 222





Le Camp est matriciel. Il est la matière même de fiction, dans la trame de laquelle nous naissons à nous-mêmes. Quiconque rejette cela se condamne à être rêvé par un rêve de vie heureuse, un rêve sans personne, un rêve publicitaire.










Les sourires effrayants 
que la mort placarde partout dans la ville.
 Dans la blancheur des dents tremble 
la peau blême des cadavres. 
Le rêve d'une vie sans mort
nourrit la souveraineté de la mort.





j'ai choisi l'amertume
elle est esprit de vérité
même si les morsures s'inclinent
sous le poids des innocences
même si mon linceul sur le vent des routes
rit comme un fou
je me dresse 
sur l'enclume des rires
pour y forger un rire plus grand encore

la vie reste ce regard qui fuit sur la terre
et la puissance de ma main
se mesure à l'empan de mort 
dont elle ne se saisit pas

il faudrait jouer des bras
sans cesse
pour faire valoir le bien-fondé
d'une symbiose entre
joie et désespoir
que vivre c'est se faire avoir
par amour de la vérité
c'est porter la main sur soi
se porter atteinte
jusqu'à la jonction
l'estuaire amer
où présence et mort s'entre-dévorent

dans la jonchaie
sangs palpitants
caves en silence
s'élève un autre rire
autrement créateur
puis s'éteint
au passage

je cherche le Camp
le Camp que je suis
le Camp où je suis
je cherche les usines de mort
qui trament nos généalogies





Van Gogh, Le crâne avec la cigarette brûlante
Je l'appelle pour ma part: portrait du père.





- On joue?
- Oui!











Mercredi 11 mai 2011
Question: si vous n'aviez plus rien à dire, qu'est-ce que vous auriez dit juste avant?










La lunette d'approche

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