dimanche 26 août 2012

193 - Saturne dans la rue

- Putain! Je pète un plomb! Elle jette son portefeuille. Des cartes diverses s'éparpillent sur le trottoir. Tu fais le beau hein! J'en ai marre! Elle hurle. Le gars devant se retourne, enlève ses lunettes de soleil: - Calme-toi! - Tu fais le beau! Va gagner de l'argent! Elle fait de grands gestes, le pousse. Il encaisse, temporise, louvoie...

Elle porte un débardeur noir qui moule ses gros seins, un bas de jogging rouge. Elle est jeune, vingt ans peut-être. Ses cheveux noirs sont noués en un chignon négligé. Il a une barbe de trois jours soignée. Les cheveux courts. Je ne me souviens pas de ses habits.

J'ai continué mon chemin. J'ai entendu la jeune femme crier jusqu'à ce que sa voix disparaisse dans le concert des moteurs des voitures. J'ai aperçu une mendiante, une vieille de l'Est, je ne lui ai rien donné. Je l'ai vue sans la voir. Je suis trop habitué. Il aurait fallu que je lui lave les pieds pour bien faire. 

J'avais rendez-vous avec Joseph. Mais il n'est pas venu. Il n'y avait que la ville. J'ai paniqué. J'étais persuadé que les gens allaient tous se sauter dessus, se déchirer, se broyer, se manger. J'étais persuadé qu'il n'y avait plus de société dans ces rues, plus d'institutions, plus de lois. J'étais persuadé qu'il n'y avait désormais que des pulsions et de la violence. Et les enseignes des grandes franchises mondialisées. J'attendais qu'on vienne dévorer mes entrailles.




 Dans la rue les pères étaient fous, tous, fous à lier. 




Dans la rue les pères se jetaient sur les fils. 
Ils les dévoraient. 
Ils les dévoraient, furieux d'être nés les premiers
furieux d'être les pères,
de n'être pas les fils de leurs fils.




Dans la rue
devant les vitrines 
sous les yeux vides des porteurs de sacs
les pères ont dévorés les fils




Et dans leurs yeux 
j'ai vu









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