mardi 24 juillet 2012

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Joseph s'est arrêté au bord du canal. Il savoure la lumière du soir qui porte au loin les ombres. Dans la ville désertée par les étudiants, les vacanciers, un calme peu accoutumée adjoint aux choses son critère de recueillement. Les écorces des platanes au sol n'évoquent rien, elles ont chu simplement et se délitent peu à peu dans la poussière légère de l'été. Des reflets d'or sur les vitres ponctuent les façades des immeubles. Quelques containers verts ou bleus stationnent sur les trottoirs, comme de grosses vaches idiotes occupées à ruminer. 
Joseph marche un peu vers le terrain vague qui troue le défilé des résidences. Un panneau annonce la construction prochaine d'un bâtiment d'habitation. Des bâches sur les murs pendent et ondulent un peu, parfois, selon les caprices lents d'un vent qu'on dirait anémié, lourd encore de la canicule du jour. Des gravats sans nom, tesselles grisâtres, disparates, attendent l'artiste, jonchent la terre et soupirent après quelque fin du monde radicale, empanachée de couleurs vives, sublime et bruyante. Mais ici tout se tait et se languit. 
Joseph remarque pourtant quelques plantes rudérales, ces humbles pionnières qui conquièrent les décombres, ces vaillantes sans atours qui fertilisent les friches industrielles, les bords des routes, et préparent sans cesse le retour d'une végétation pérenne. Il les salue d'un geste de la main, ces bien aimées qu'il citerait si à l'occasion d'un portrait chinois on lui demandait quel végétal il serait. 

Julien Boutonnier      

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