mercredi 18 juillet 2012

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Comme Sarah a pris l'habitude de déposer les restes de ses tartines dans le jardin à l'attention des merles, tourterelles et autres moineaux - Les miettes... oiseaux!, dit-elle, il lui a semblé pertinent de leur donner d'autres restes. C'est ainsi que, tenant son pot au creux duquel balançait une petite flaque d'urine aux reflets ambrés, elle s'est avancée vers Clarisse : - Pipi... oiseaux! 
- Tiens, serais-tu chrétienne? lui a demandé sa mère en riant. 
Plus tard, elle a dit à Joseph, tandis qu'ils sirotaient une bière dans la pénombre de la nuit naissante: - Le souci de donner son corps, de le partager, d'en faire une nourriture, trouverait-il son élan le plus spontané dans l'enfance? Le sacrifice du Christ, tel que nous le raconte les évangiles, affirmerait-il une fidélité à l'esprit de l'enfant? 
- Ne nous y trompons pas! Tout ce qui est de l'humain, et particulièrement de son enfance, a deux visages. Vois comme Sarah avance un coussin à notre chat pour qu'il dorme sur le canapé, c'est tout à fait charmant, mais une minute plus tard, elle lui tape dessus. 
- Je ne suis pas d'accord avec toi. Cette disposition dont je parle n'est pas remise en question parce qu'elle trouve un pendant négatif dans les comportements de Sarah. Elle reste entière au moment où elle s'exprime. La contradiction n'intervient, si elle intervient, qu'à posteriori. Et cet élan de partage est, je crois, spécifique à l'enfance. Une fois adulte, qui se donne spontanément? Il faut beaucoup travailler sur soi, et dans une tradition bien rodée de plus, au sein d'un collectif,  pour ré-acquérir cette spontanéité, cet élan. Sarah l'a en elle, sans travail, sans  recherche. Elle l'est.
- Tu veux dire que Sarah aurait cette intelligence spontanée de se donner en partage, que certains voient comme LA qualité divine? Elle incarnerait ce génie du christianisme. 
- Ce que je dis surtout, c'est que ce génie du christianisme, comme tu le dis sur un ton narquois...
- Mais pas du tout!
- Oh!... Arrête! Ce génie du christianisme se fonde sur cette disposition de l'enfant. C'est là son trait de génie justement...
- A la tienne!
- Ouais...

Julien Boutonnier

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