mardi 17 juillet 2012

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Joseph est assis à son bureau. Il lit Les anneaux de Saturne de Sebald. Cette divagation érudite et mélancolique sur la côte du comté de Suffolk l'ennuie un peu. Il délaisse l'ouvrage, s'affale dans son fauteuil. Son regard glisse sur les notes diverses qui parsèment le plateau opalescent de sa table de travail. Puis il se lève et s'avance vers la fenêtre. L'eau du canal ondule légèrement quand le vent s'y pose. La lumière s'incline sous le poids des heures. Il pense à Victor Grosset, à sa vulgarité, à son aliénation. Il n'est pas venu depuis un mois. Probablement ne se verront-ils plus. - Tant mieux, murmure-t-il, c'était un sale con... La sonnette retentit. Son prochain rendez-vous est là, madame Sendra.  Avant d'aller la chercher dans la salle d'attente, il note rapidement ces chiffres hallucinants glanés dans le livre de Sebald: 733000 bombes larguées par l'Angleterre sur l'Allemagne en 1009 jours pendant la Seconde Guerre mondiale. Puis il ajoute: Folie de l'anéantissement de l'ennemi, sans égard pour les peuples, les villes, le labeur millénaire des générations précédentes, les architectures témoignant du passé. Grosset, pur occidental, quel lien avec cette destruction de notre Europe et de sa mémoire?  

Julien Boutonnier   

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