samedi 19 mai 2012

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Jérôme Burau, allongé sur le divan: - J'ai rêvé que mon sexe était rongé par des sortes de verrues. Il avait un os. A certains endroits, les verrues avaient creusé des cavités jaunâtres jusqu'à cet os. Cela ressemblait à un cadavre. C'était horrible... 
Silence...
- Oui? relance Joseph.
- Je me demande si ce sexe affreux n'est pas un équivalent de la canne à pêche du rêve que j'ai fait la semaine dernière... Quand je me faisais virer de la formation de pêche à la truite. Comme si je n'avais pas le droit d'être moi-même adroit avec cet instrument... Parce que, dans le rêve, j'en suis sûr, j'avais une certaine dextérité dans le maniement de ma canne à pêche. Ce renvoi était injuste, autoritaire, injustifié... Mon sexe pourri du rêve de cette nuit pourrait signifier que je me suis laissé faire, que je ne me suis pas défendu alors que j'aurais dû. 
Bref silence...
- Quoi qu'il en soit, j'éprouve un soulagement. En faisant ce rêve, j'ai le sentiment de m'être séparé de quelque chose de sordide, que je portais sans que cela soit à moi... Comme si ce sexe n'était pas le mien...
Joseph se lève en silence. Il se tourne vers Jérôme Burau qui se lève à son tour. 
- A mercredi?
- Oui, à mercredi, répond l'analysant en déposant un billet sur le bureau. Joseph lui ouvre la porte. Ils se serrent la main. 
Une fois seul, Joseph prend son calepin et jette ces quelques notes: 
Mécanique de la culpabilité: elle nous permet de nous approprier ce qui nous arrive sans pour autant nous en sentir responsable ( la guérison pourrait être: se montrer responsable de ce qui nous arrive sans en faire notre propriété, notre visage...), nous nous en plaignons et cherchons à nous en débarrasser mais dès que cela pourrait être possible, nous reculons, par peur de ce que nous sommes en dehors de ce qui nous arrive: une énigme, un sujet de non-savoir, un sujet non-su, un inédit, une nouveauté, une négativité... Nous y arrivons un peu, derrière la protection de la métaphore, du déplacement, du semblant, du rêve. C'est à cela sans doute que sert la psychanalyse.
Un sexe d'homme avec un os, c'est un sexe qui n'a pas besoin du désir pour bander... un sexe morbide donc...  

Julien Boutonnier

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