Jérôme Burau, allongé sur le divan: - Je redoute le week-end qui commence. J'ai peur de passer deux jours sans parler à personne. Je vais encore regarder la télévision, juger cela trop idiot puis me forcer à sortir, constater que je suis seul alors que d'autres sont en couple... Cela va me terrasser. Je ne sais pas si j'y arriverai. Je suis incapable de lire ou de me faire à manger. Je canape dans le salon... Je canape le jour durant, et la nuit aussi je canape... Si encore j'arrivais à perdre mon temps. Mais non, même pas. Je n'ai pas l'énergie de perdre mon temps. Je ne m'ennuie pas. Je végète, je baigne dans mon humeur maussade. Je suis un peu comme une algue qui oscille au grès des courants... C'est la déprime.
Silence...
- Il y a une femme, elle est souvent au parc le samedi après-midi. Un peu comme moi, seule, elle déambule. Je l'ai suivie une fois... Elle habite vers le canal, dans un immeuble. Quand je ne la vois pas au jardin, je me rends devant chez elle, je m'assois sur un banc et j'attends qu'elle sorte. Bien sûr, je ne sais pas si elle est chez elle. Mais j'attends. J'imagine qu'elle me rejoint. On regarde les canards sur l'eau, on leur lance des bouts de pain sec. On discute, on se découvre des affinités pour tel genre de films, pour telle musique. Cela nous fait rire. Je la séduis et nous nous embrassons. Elle me prend par la main, m'amène chez elle. Nous faisons l'amour à n'en plus finir... Et je suis guéri. Je ne suis plus seul. Je compte pour quelqu'un, je suis quelqu'un pour une autre personne...
Silence...
- Quand j'étais petit, je torturais des animaux. J'attrapais un lézard gris, je l'enroulais dans une feuille de papier à laquelle je mettais le feu. J'écoutais la bestiole gratter, se débattre puis sombrer. Dans mon ventre, je ressentais comme une dévoration. Quelque chose me mangeait de l'intérieur. C'était terrible et très bon... D'autres fois, je remplissais un seau d'eau et je noyais l'animal. Cela prenait du temps. Avec un bâton, je le poussais au fond. Je le regardais remonter à la surface et, dés qu'il émergeait, je le ramenais sous l'eau. Au bout d'un moment, épuisé, il ne luttait plus. Je l'attrapais et l'observais longuement. Puis je l'abandonnais, sans me soucier de son sort...
Silence...
Julien Boutonnier
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