Joseph la remarqua dès la première fois, à la soirée de Kelly. Cependant, comme par une étrange économie de son désir le jeune homme tenait à distance toute femme susceptible de l'émouvoir, il s'était montré froid et distant avec Clarisse. Et s'il s'était composé un visage particulièrement austère et décourageant devant elle, c'était parce que son sourire lumineux, ses yeux azurés, ses seins gironds et ses hanches hypnotiques provoquaient dans son corps et son coeur un trouble des plus turbulents, propre à déranger ses habitudes de travail et le détourner de son objectif pratique - devenir professeur au Collège de France - et de son but idéal - maîtriser le savoir à la source de l'Homme.
Tandis que Clarisse désespérait de voir la teneur de son désir augmenter en lave, feu, matière ignée, nuages ardents et tout ce qui est susceptible d'échauffer une âme, Joseph luttait pour refroidir le sien et l'oublier. Il étudiait plus que jamais, apprenait par coeur des paragraphes entiers de Pierre Legendre. Mais c'était peine perdue. Depuis qu'il l'avait revue au café, il ne parvenait plus à se détourner de ce qu'il jugeait, avec dédain, une lubie de son psychisme: cette image de Clarisse peinte en son esprit, qui lui souriait, se dévêtait et l'invitait à le rejoindre, d'un geste sensuel de la main, dans une alcôve ombreuse où d'immenses coussins roses et moelleux promettaient d'odieuses joies sardanapalesques.
Au bout d'une semaine, Joseph paniqua quand il s'avoua, sous peine de se mentir à lui-même, qu'il ne contrôlait plus rien, qu'il perdait sa puissance de travail et passait le plus clair de son temps à rêvasser devant ses livres, stupide, hébété, enivré par l'absence de Clarisse comme par un verre d'absinthe.
Au bout d'une semaine, Joseph paniqua quand il s'avoua, sous peine de se mentir à lui-même, qu'il ne contrôlait plus rien, qu'il perdait sa puissance de travail et passait le plus clair de son temps à rêvasser devant ses livres, stupide, hébété, enivré par l'absence de Clarisse comme par un verre d'absinthe.
Après s'être mouillé et frictionné le visage, il posa ses mains sur le bord du lavabo et se regarda un moment dans le miroir: - Joseph, il faut faire quelque chose... concéda-t-il à son image qui acquiesça du chef, avec fatalisme.
[ A suivre... ]
Julien Boutonnier
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