jeudi 8 mars 2012

33

10h04
Joseph se retourne pour voir. Sarah stationne au milieu du chemin bétonné de la coulée verte. Immobile, elle regarde droit devant les consistances des choses. Et les arbres alentour, l'herbe déroulant son tapis gemmé de rosée, les oiseaux qui sautillent çà-et-là en quête de nourriture, la lumière dorée, poudreuse, qui baigne le jour ce matin, toutes ces vies, tous ces phénomènes semblent converger vers le sourire de la petite. Son visage menu dans la mandorle de sa cagoule demeure encore pour son père, en cet instant, une apparition merveilleuse. - Sarah, tu viens, on va être en retard à la crèche! La petite élargit encore son sourire, le donne à profusion, sans compter. Elle crie brièvement, se lance dans une course quelque peu bringuebalante, dépasse cet homme qu'elle a toujours connu, ne s'arrête plus. Joseph l'observe s'éloigner et, dans cette distance croissante qui le sépare de sa fille, reconnaît un présage poignant, ce motif récurrent de toute vie d'homme: un jour, d'une manière ou d'une autre, il faut se séparer des êtres aimés. - Attends-moi Sarah! Il se dépêche de la poursuivre, l'attrape dans ses bras et la soulève. Elle éclate de rire comme une source limpide jaillit du sol. La séparation n'est pas pour aujourd'hui. Joseph étreint sa fille. Son coeur saigne de joie.  

Julien Boutonnier  

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