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11h24

Clarisse et Joseph se sont donnés rendez-vous au parc à midi. Comme elle est en avance, et puisqu'il fait si beau, Clarisse choisit de flâner dans les allées tranquilles. Elle aurait pu mettre ce moment à contribution pour passer des coups de téléphone mais elle préfère de loin perdre son temps seule et rêvasser à la manière d'une enfant. Cette disposition à musarder, elle la cultive depuis qu'elle a cessé de vouloir être quelqu'un. De temps à autre, elle lève le menton vers le ciel et ferme les yeux face au soleil hivernal; la peau de son visage caressée par la lumière tiède délivre une sensation heureuse; Clarisse écarquille les narines et goûte le jour vivifiant. De fait, elle est quelqu'un. Reste à savoir qui. De cette question Joseph dit qu'il n'est pas nécessaire de trouver la réponse, qu'elle ne la concerne pas, ni aucun homme d'ailleurs. Joseph dit que le monde, c'est les faits, seulement les faits. Clarisse sourit. Elle aime bien quand son homme tient ces propos. Cela la rassure. Elle ne saurait dire pourquoi. Peut-être est-ce parce que Joseph lui témoigne d'une conviction? Un merle sautille sous une haie. Un nuage isolé garde le silence là-haut dans le cloître bleu. Des pas se rapprochent dans son dos et très bientôt des lèvres se poseront sur les siennes.  

Julien Boutonnier