mardi 6 mars 2012

29

03h35
Joseph se redresse dans la nuit sourde. L'insomnie le dévore, le déchire et le jette dans la fosse commune de sa conscience. Il s'assoit sur le bord du lit. Par les persiennes la lumière de la rue permet, révèle et menace la pénombre. Joseph s'étire un instant puis se voûte comme un point d'interrogation las. Il pourrait écouter sa peau, cette toile des cieux tendue sur ses chairs, cette mémoire des matières, s'il avait l'organe adéquat. Hélas, le derme reste muet. Joseph expire un bref instant puis se contente de fixer du regard les reflets ténus qui vibrent sur ses ongles: petites flaques de nacre cernées de bistre, ces yeux blêmes à l'extrémité de ses doigts l'interrogent, le quêtent: "Joseph, où es-tu? Chaque minute te rapproche de ta mort, que fais-tu? Quelle est cette conscience qui te cherche? Quel est cet abîme que tu es?" Au coin de ses yeux aveuglés par tant d'impuissance - que répondre? - une eau se retient, un temps, puis s'abandonne et s'écoule sur ses joues mal rasées. Clarisse respire lourdement à côté. Elle gémit à peine parfois, isolée, impliquée dans la fabrique de son rêve, abandonnée.

Julien Boutonnier   

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