lundi 5 mars 2012

27

07h27
Ce matin, Joseph tout endormi encore s'assoit seul à la table de la cuisine. Clarisse se douche. Sarah, malade, sommeille dans la fièvre. Les deux pommes qui attendent là ne lui évoquent pas Cézanne. Il ne pense pas qu'un jour sans doute sa fille les mangera préparées au four avec un peu de sucre. Devant ces fruits, une bougie à moitié consumée se tait; sa mèche noire s'enfonce dans la cire et semble vouloir oublier qu'un soir elle continuera de disparaître au bénéfice d'une petite lueur tremblante. Un rouleau de sopalin se dresse derrière, mutique, fonctionnel, sûr de lui; enroulé sur lui-même, il ne s'intéresse guère aux choses alentour; il a tort: un jour ou l'autre, il en sera tout imbibé. Joseph cohabite un instant avec cette nature morte. Son corps pèse dans sa présence. Ses sangs s'engourdissent dans ses membres. Au bout de ses mains déposées sur le plateau de la table, ses doigts tremblent un peu, nerveux, fébriles, sans emploi. Il faudrait préparer le petit déjeuner. Mais Joseph attend, il baille, il bée, il stationne encore un peu au seuil de sa vie. Sarah commence de gémir à l'étage. A ce signal, l'homme jette un oeil soudain vif sur la chaise de bébé à sa droite; il se lève et épouse le mouvement de son existence qui passe. Il s'engouffre dans l'escalier. Il déjeunera plus tard.

Julien Boutonnier   

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