vendredi 2 mars 2012

23

04h06
Joseph, allongé sur le côté, enveloppe Clarisse nichée sous son bras, pelotonnée contre le flanc de son corps. Elle dort profondément et sa respiration berce le défilé monotone des minutes à la manière des vagues océaniennes. Lui depuis des milliers d'années ne dort plus, depuis qu'un mot, un jour, dans des circonstances nocturnes sans doute, s'essora de la bouche de l'homme pour vibrer dans l'air et signifier un manque. Il faut préciser que Joseph ne veille pas vraiment non plus. Il erre dans la contingence hypnagogique, dans cet écart immédiat, sans bornes précises, qu'on pourrait appeler un pré-sommeil, ou plutôt un contre-sommeil - comme les contreforts d'un massif précèdent celui-ci et semblent porter son émergence. Au coeur des volutes mentales lancinantes, au plus prés de cet état où président sans partage les aléas et les répétitions, il semble en effet que Joseph soutienne quelque chose du sommeil universel. Mais, à vrai dire, il n'est pas né celui qui pourrait le prouver. C'est une croyance en somme. La seule certitude possible consiste en ceci que Joseph depuis la nuit des temps écoute amoureusement la respiration de Clarisse. Ce souffle représente pour lui une claire-voie à travers laquelle distinguer parfois les motifs improbables de son désir, ces figures quelque peu fantomatiques à jamais hors de portée.   

Julien Boutonnier

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