samedi 30 juin 2018

2 aM







premier jet de ne sais quoi

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Ça faisait un moment qu’il fumait des cigarettes à la fenêtre. Il regardait vaguement, ne savait trop quoi. Le jour avait le printemps dans les arbres. Des choses qu’on rêve à l’ordinaire depuis le seuil de la mort. La tranquillité d’un temps qui passe, un vent léger, la paix. 
Ça faisait un moment qu’il fumait des cigarettes. Quelle était l’intrigue de sa vie? Ses mains peut-être parlaient-elles pour lui, tremblantes, fragiles, incapables. Ses mains comme mortes. Elles jonchaient sur le rebord de la fenêtre, semblaient attendre le verdict, le coup de hache qui les jetteraient au pourrissoir. 
Ça faisait un moment qu’il demeurait comme ça, dans une grande justesse, dans une grande retenue. 

Quand son téléphone sonnait, il se contentait d’écouter les vibrations de l’appareil dans la poche de son jean. Sans doute lui proposait-on quelque partage? Sans doute lui voulait-on des choses? Peut-être du bien? Il y avait dans ses yeux la sécheresse incommensurable. Ce défaut des sentiments qu’on prête aux brutes, aux idiots. Il tirait fort sur la cigarette, fermait les yeux, revenait dans ces ombres de l’esprit propices à l’abandon des forces, au désoeuvrement puissant d’une personne décidée à se prêter aux caprices d’un destin propre. 


C’était un petit appartement, vide, une pauvreté, une utopie. Rien qui puisse attester d’une quelconque activité. Une fenêtre, c’était là l’essentiel de son logement. Le reste, un matelas posé à même le sol, un réchaud sur une caisse en bois, une vaisselle rudimentaire, une couverture, quelques habits ça-et-là jetés en désordre, un corps d’homme. 

On toqua à la porte. On entra sans attendre de réponse. Il se retourna lentement. Elle se mit à genoux, ouvrit sa braguette et commença de le masturber. Elle prit sa verge dans la bouche. Il remuait les lèvres comme pour dire quelques chose. Mais seul un souffle, un bruit blanc léger, léger, léger… C’était la parole sûre et certaine, la preuve d’un grand amour sur lequel rien n’aurait jamais prise. Ses lèvres tremblaient au fur et à mesure, elles évoquaient l’ardente synonymie d’un désir foudroyant. Elle avala son sperme, garda la verge dans sa bouche un moment encore. Quand elle se leva, ce fut pour un silence. Son regard chantait, son regard à lui chantait, s’était ouvert un instant, donnant vers un jardin sur la branche d’un arbre duquel chantait le merle merveilleux. Elle ferma la porte derrière elle. Il alluma une cigarette. 


Son ventre parfois s’ouvrait. Depuis le nombril jusqu’au plexus, on ouvrait le ventre comme un rideau de théâtre. Il respirait lentement, avec parcimonie. À l’aide d’un miroir à main il regardait la scène qu’offraient ses entrailles. C’était comme être présenté à soi-même par le détour d’un art consommé de l’énigme. On y voyait une jeune femme dans une robe fourreau. Lentement, elle tirait le tissu sur ses cuisses jusqu’à dévoiler la toison blonde de son sexe. Elle s’accroupissait ensuite et urinait sur un tas de livres en écartant les lèvres de sa vulve. Elle le fixait tendrement du regard par l’entremise du miroir, toute fine brindille de crépuscule dans le reflet tremblant. Ses yeux blancs aux longs cils noirs promettaient la mort et la boue. L’urine sur les livres crépitait languissamment, comme entraînant dans ce léger son presque incolore le coeur d’un sens à nouveau tout entier en fuite. Peu à peu la lumière déclinait dans le petit théâtre de son ventre. La femme agitait la main en guise d’au revoir, elle souriait maintenant, tandis que le jet de son urine commençait de tarir. Dans la pénombre, de celle qui succède immédiatement à la tombée du jour s’élevait une voix, la voix de son ventre, et cette voix sans timbre ni accent était aussi celle de la nuit. Des larmes dévalaient sur les joues de l’homme et puis la voix s’éteignait, le laissant dans une solitude implacable. 















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