dimanche 26 avril 2015

521 - LIVRE-AVRIL - 26 (Provisoire)







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Le 8 mai 1840, aux alentours de dix heures du matin, alors qu’il s’apprêtait à quitter son domicile de Merseburg pour se rendre aux chevets des malades, Basedow reçut une missive en provenance de Dresde. On lui apprenait la mort de son vieil ami Caspar David Friedrich. Bien que débordé par les multiples responsabilités qui lui incombaient, Basedow n’hésita pas à entreprendre les deux jours de voyage que nécessitaient sa venue aux funérailles du peintre fameux qui, hélas, était passé de mode depuis plusieurs années. 
A dire vrai, Basedow n’avait pas de sensibilité pour la peinture en général, et les paysages sombres, tragiques et spirituels de son ami le laissaient indifférent. Son amitié avec Friedrich tenait plutôt à leur goût commun pour la marche en montagne. Ce fut d’ailleurs au cours d’une excursion dans le Riesengebirge qu’ils firent connaissance. Si, à la fin de sa vie, Friedrich, souffrant d’un trouble de la persécution, s’était éloigné de Basedow, ce dernier gardait pour lui une profonde affection. Leurs courses silencieuses sur les flancs du Schneekoppe avaient été autant d’occasions d’éprouver un ravissement rare, et pour le moins précieux, dans sa vie urbaine et laborieuse vouée à la cause des malades. 
Le 10 mai 1840, Friedrich fut inhumé dans le cimetière Trinitatis. Etaient présents les rares membres de sa famille, quelques amis restés fidèles malgré la maladie et la faillite, et puis, accompagnée de sa fille Antonia, Beate, l’ancienne employée de maison de Friedrich, qui, pour cause de maladie, n’avait pu s’acquitter de sa tâche jusqu’au bout.
Les symptômes dont souffrait Beate étaient tous connus en tant que tels : hypernervosisme, tachycardie, asthénie, sueurs, thermophobie et exophtalmie (ce qui signifie que les yeux de Beate sortaient très fortement de leurs orbites, lui prêtant un regard halluciné des plus inquiétants). Cependant aucun médecin n’avait jusqu’alors été à même d’établir un diagnostic fiable qui prît en compte la complexité de son affection.
Après les funérailles, Basedow approcha Beate sans délais. Il sa présenta et fit état de ses multiples connaissances concernant les maux auxquels elle était sujette. Il lui proposa ensuite de se rendre à Merseburg dans les semaines à venir pour se soumettre à une série d’examens visant à démontrer que la cause de son exophtalmie, et de tous les autres symptômes qu’elle subissait, était un dysfonctionnement de la thyroïde. 
Beate, d’abord réticente, accepta la proposition dès lors que Basedow précisa qu’elle serait rémunérée le temps nécessaire aux recherches et que chacun de ses voyages serait défrayé. Elle exigea de plus que sa fille l’accompagne et qu’elle soit aussi défrayée, ce à quoi le médecin consentit. 
Beate s’avéra être un sujet particulièrement docile. Elle se prêta sans rechigner aux tests pourtant éprouvants dans son état et répondit consciencieusement à toutes les questions qu’on lui posa. Elle montra également une inclination peu commune pour la confidence et, bientôt, Basedow eut connaissance de bien des traits de la vie intime de son ami, parfois scabreux, dont il aurait souhaité continuer à rester ignorant il va sans dire. 
Lundi 14 septembre 1840, devant ses confrères de l’Université Martin-Luther de Halle-Wittenberg, Basedow décrivit brillamment une hyperfonction de la thyroïde, maladie qui par la suite porterait son nom. Quand il évoqua le cas de Beate, il pensa, le temps d’un bref instant, à la passion excessive qu’éprouvait son ami Friedrich pour l’apfelstruden de son employée, ce qui provoqua un léger sourire incongru sur son visage concentré. Mais personne ne s’en avisa.



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le texte amoindrit mon corps, si faible d’ailleurs que j’en suis malade. et, en toute logique, c’est la thyroïde qui dysfonctionne. y a-t-il frontière plus implacable qu’une porte, qu’une fenêtre ? je vois à toute heure du jour et de la nuit des érythréens, des soudanais, des afghans, des syriens et tant d’autres frapper à ma thyroïde. les symptômes sont nombreux comme autant d’ares où territorialiser la frontière : tachycardie, hypernervo-sisme, maux de tête, myopathie, nausée, asthénie…

les jours sont dédiés à la fièvre migratoire. je sue dans la peau d’une frontière. yeux, joues, lèvres, tremblent sagement sous la fontaine d’Ulysse.

mon cœur a pris une voie que je ne saurais dire. il mue de jour en jour. chaque pouls en voit la peau s’effilocher. ces lambeaux qui glissent sur les yeux saturés de chants des migrants est un spectacle que je ne saurais qualifier.



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             je sens ma mort      sur les doigts
          sûre lumière      buée lourde      havre 
          livre _ avril       : écoute      – 
          le temps s’en va       :      _ un
                   liseré s’ouvre au bord isocèle
                  : _



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c’est à partir de ce qui nous ravage qu’une jachère peut advenir. entre deux territoires assignés, il y a parfois la place suffisante pour que se déploie un espace vacant dédié à l’épaisseur dans sa plus simple expression. on y trouve un remuement perpétuel, infime et complexe. des formes indéfinies, un risque sans personne, du devenir ôté de toute peau. un terrain à soi, tellement à soi qu’il nous reste étranger. la jachère est ce piétinement du temps rendu à sa paresse la plus fertile : une pensée qui harasse l’inspiration : un visage singulier contre lequel il est d’usage que l’on amasse de quoi le détruire, le maudire et l’oublier. 



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après le silence, quand subsiste seule l’identification au reste, cette mélancolie, il s’avère qu’un seuil a volé en éclats, en débris de lieux, en miettes de paroles, en fragments de bornes. je me retourne — un désarroi propre à l’espace ainsi désorienté —, et ce que j’observe, ce qui me tombe des mains, c’est l’élan amnésique d’un corps enfin édifié dans sa verticale mouvante. aussi je constate combien le lieu glisse en son entière indulgence. et j’opère cette conversion propre et nécessaire à nos jours traumatiques : 
du temps je me rejoins vers l’espace.



















Livre-avril - 26 - avril 2015

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