jeudi 6 novembre 2014

479 - peut(-)être un journal










Cette musique me transperce, quelle beauté, quelle Europe!


*


Voilà trois mois que j'essaie d'écrire ce journal en vain. 

Temps d'une mue sans doute.
Je me retourne.
Mais l'humaine exuvie c'est du tremblé qui se perd.
Il n'y a rien à voir.
Il n'y a rien à comprendre.
Rien qui se constate.
          Un buisson qui brûle un instant - dans le vent. 
Juste : adhérer à la peau 
au fur et à mesure
qu'elle se desquame.
          Je pense à Moïse, aux fragments, à la flamme qui dit être ce qu'elle est.
          Suis-je à genoux devant une tautologie?
          Seule servitude qui libère?

*


LIVRE-AVRIL a bousculé mes plans. J'ai dû laisser de côté le médaillon. Il y a une urgence à écrire LIVRE-AVRIL, qui est un ouvrage dont le ressort est un passage. Le thème du LIVRE-AVRIL est une frontière, ou plutôt, un autoportrait en frontière. Il s'agit de construire un livre qui soit un corps frontière. Il s'agit, en écrivant, d'être soi-même une frontière. Non pas une frontière entre un avant et un après, non pas une frontière entre un lieu et un autre, mais une frontière qui saille dans l'impossible, je veux dire dans le désir et sa loi. 

L'impossible, c'est une tension contenue dans une intensité paradoxale : je veux dire, une jouissance qui n'aboutit pas, une jouissance qui n'aboutit que partiellement... MERDE! 
L'impossible, c'est ce qui saille avec la lettre séparée, perfore le sens et nous rend à la liberté d'une invention (plutôt joyeuse sans doute).

*


LIVRE-AVRIL n'a pas de forme, n'a pas de visage, il est infidélité perpétuelle à ce qu'il devient : de sorte que LIVRE-AVRIL se dissout dans le présent, de sorte qu'il accède à cette intensité: ???

          Firmament-n'importe-quoi.

*


LIVRE-AVRIL a pour outil le délire. Délirer, délier la phrase pour atteindre à ce bloc... : ???

Bloc de mi-vérité / surgi dans la fatigue / souvent après le boulot / dans le métro des fins d'après-midi.

*


Je travaille sur les balises. En même temps, je travaille sur un nouveau projet; je l'intitule : LIVRE-AVRIL. En même temps, je travaille sur du poème que j'intitule : JOURNAL-TEMPS ou bien : 



journal de l'en-fuite 


Mais il y a des écritures qui me réclament encore, qui demandent à en finir : Histoire de ma disparition, Le médaillon, METEO, le Traité d'ostéonirismologie. 

Mais en fait, je m'en rends compte, je suis mort cet été. Je ne suis plus le même homme. 
Je suis mort et je suis épuisé.
Je suis un camp pour la vie qui sourd en mon thorax.
Je suis à sec le coeur généreux si généreux : torrent de sécheresse : profusion inverse.
                 
*

Voici une lecture qui m'a si profondément touché, d'Hélène Cixous, avec une référence à ce livre dément, "le sang du ciel", et à son auteur Piotr Rawicz, chez remue.net : écrire la catastrophe. 

Piotr Rawicz sera d'une façon ou d'une autre dans LIVRE-AVRIL 


*


Armand Dupuy m'accueille en compagnie de la peintre Nelly Bonnefis dans le quartier libre de son site Tessons. On peut y lire des proto-extraits d'un travail en cours portant aujourd'hui ce doux nom du LIVRE-AVRIL



*



Je serais perdu-efficace.

Un poème ne serait pas une panoplie.

Il serait un outil de compréhension toujours périmé.



*



L'impasse se révulse tant j'y traîne.
J'écoute un péril après l'autre assurer ma voix
morte et vivante.
C'est un soleil, simplement un soleil - et dire
l'homme et la femme qui ont peur de mourir.
Tourner le dos à soi-même : être soi.
L'infidélité est seule constance de la source
pour un homme ou une femme.



*


ces dernières semaines j'ai été:


Yves Di Manno, Terre ni ciel, Corti

Yves Di Manno, Champs, Flammarion
Marie Etienne, Dormans, Flammarion
Alejandra Pizarnik, Arbre de diane, Ypsilon
Mathieu Bénézet, Ne te confie qu'à moi, Flammarion
Mathieu Bénézet, Ceci est mon corps, Flammarion
Mathieu Bénézet, Pourquoi ce corps que je n'ai pas, Fissiles
Mathieu Bénézet, La fin de l'homme, Flammarion
Mathieu Bénézet, L'océan jusqu'à toi, Flammarion
Anne Marie Albiach, Celui des "lames", Pesty
Jean-Yves Fick, Louise Imagine, Inlands, Publie.net
Jean Daive, Anne Marie Albiach, l'exact réel, Pesty 
Cole Swensen, L'Âge de verre, Corti
Imre Kertesz, Sauvegarde, Actes Sud
Michel Gribinsky, Les scènes indésirables, L'Olivier, coll penser/rêver



*


il me paraît évident qu'écrire est de l'ordre du meurtre
tuméfier la gueule du vivre
et puis construire un autre sang
à la démesure de l'homme et de la femme
:

que naître soit l'acte d'un sujet

non d'un bout de viande!

*


Sérieusement, doc, c'est de moi que tu as pitié? Il a pas su quoi répondre. C'était un type très bon, très doux, mais aussi plein de courage, pour accepter de cacher un clandestin à une époque où, comme on dit, ta propre mère te laissait pas entrer, où la radio gueulait des communiqués du genre, "Quiconque accueillera une personne non déclarée aux Autorités Policières sera immédiatement déféré devant le Conseil de guerre..." Je lui dis Ecoute, moi je tiens ma vie et mon destin entre mes mains, je suis libre dans mes choix, dès que je veux je peux venir de ton côté. Si je téléphone maintenaat à la Sûreté pour leur dire que je mets fin à mon action politique, sans pour autant renier quoi que ce soit, demain je me baladerai "librement" et "sans danger", comme toi... Mais toi, tu peux venir de mon côté? Tu peux tout laisser tomber, argent, carrière, famille, maison, pour t'attacher à un rêve et le poursuivre, aimer avec passion les autres et leur liberté, entrer dans le coeur de ton époque, cesser d'être un simple spectateur pour créer l'Histoire? Autre chose: nous avons le même âge. Si on admet que vivre, ce n'est pas exister comme un arbre, c'est-à-dire de façon biologique - je ne sais pas si j'utilise le bon terme, enfin tu me comprends, je veux dire que si la vie se mesurait seulement aux biens et aux services que tu produis, à ceux que tu consommes, alors je pense que la vie serait d'un ennui sans fin. Je crois que ce qu'on appelle la vie se mesure simplement aux sentiments qu'on éprouve, aux émotions, aux chagrins, aux joies, aux petits bonheurs, aux petits malheurs, enfin, à tout ce qui confirme notre essence humaine... Combien de fois dans ta vie, doc, tu as ressenti des émotions intenses? Quand tu as reçu ton diplôme, quand tu as rencontré ta femme, quand tu as décroché ton poste, quand ta fille est née? Avec ça je pense que j'ai fait le tour. Moi, entre-temps, j'ai vécu des émotions tellement denses et intenses, que pour en vivre autant il te faudrait plus d'un siècle! Combien de fois j'ai joué avec la mort, non par goût du jeu, à ce compte-là j'aurais aussi bien fait un numéro de casse-cou au cirque, mais emporté que j'étais par mes histoires, mes visions, par mon amour pour la vie, pour l'homme et sa liberté! Combien de fois j'ai osé lutter contre la terrible machine du pouvoir, tantôt gagnant, tantôt perdant, mais me sentant toujours un homme, et non un jouet du destin! et en plus, doc, à côté de toi je suis très jeune, tu sais pourquoi? Des choses qui te paraissent aller de soi, que tu croises avec indifférence, sont pour moi des petits et même des grands bonheurs. Les merveilles du monde, comme on dit, je les vois, je les vis avec surprise, plein d'émotions, comme un adolescent. Je suis sûr qu'une promenade la nuit dans les rues désertes de la ville est pour toi quelque chose d'habituel, ou même d'ennuyeux. Une promenade en forêt, le bruit de la mer, un bel arbre, une fleur, le vin, l'amour... ton contact avec les choses est superficiel, tu ne les enrichis pas, elles ne t'enrichissent pas, tu passes devant sans les vivre. Pour moi, chaque matin est une surprise, chaque soir une nostalgie, chaque nuit un grand mystère, un verre de vin, un baiser. Enfin c'est vrai, docteur, où sont tes désirs? Tu es "arrivé", tout ce que tu désires tu l'as, tu es repu, donc vieux, car en même temps tout ça tu ne peux plus t'en débarrasser. Tu es casé, tu ne peux plus t'envoler, tu ne peux plus suivre le chemin des émotions, de l'imagination, du rêve, du désir, pour un nouveau contact avec les choses et les gens. Regarde un peu, tu verras, ton chemin c'est celui qui change l'homme en objet doté de besoins biologiques... Je t'en prie, n'aie pas pitié de moi! Je serai toujours avec les minoritaires, toujours en danger, jamais rangé. Il ne s'est pas fâché, ne m'a pas dit que je racontais des conneries. Il m'a serré dans ses bras en disant que nous étions des drôles de types, mais des types bien. Il m'a embrassé, m'a mis dix billets de mille dans la poche - une sacrée somme pour l'époque - et je suis parti. Je sais , j'y suis allé un peu fort: après tout, j'ai beau dire, moi aussi je suis casé, rangé, pris dans d'autres machines, une autre logique, un autre ordre des choses.


Chronis Missios, Toi au moins, tu es mort avant, traduction Michel Volkovitch, Publie.net

*



grandeur soi-disant

libre


*


Il va sans dire que je ne suis absolument pas à la hauteur du combat. 

Les chiens. 
Ils massacrent l'appareil psychique de l'homme et de la femme.
Ils massacrent le corps de l'homme et de la femme.
Le doux massacre de nos âmes et de nos corps.

ce qui m'effraie:
ON (qui?) veut la catastrophe, 
pour qu'il se passe enfin quelque chose qui ait lieu.
Nous sommes malades de vivre sans histoire. 
La mort est notre maison.
Nous ne sommes plus liés puis déliés par les pères.
Une ouverture du côté des réseaux cependant.
Mais comment prendra-t-on en charge la limite contre laquelle édifier l'homme et la femme?

*



Le sacrifice d'Abraham, Le Caravage

*

Se tenir sans affect devant ce point logique que fut D/ieu
dans la géométrie des paroles

Soutenir ce point logique, poétiquement, politiquement.


*


le mal et la diction

*


une chose : considérer l'homme comme une esquisse de l'humain


*






LIVRE-AVRIL est un ouvrage qui contiendra des déflagrations picturales de Nelly Bonnefis. 
Voir son site : ICI 

***










peut(-)être un journal - novembre 2014

Aucun commentaire: