jeudi 15 mai 2014

444 - Une réclame du vif - Publication chez Publie.net














Un livre de poésie aujourd'hui est publié par les éditions Publie.net. Il se trouve que ce livre, c'est la blessure qui l'a écrit. Elle s'est servie de ma présence pour prendre corps. Et j'ai dit oui, puisqu'il me semble que rien n'est plus sensé que d'acquiescer à son intense caresse. Car oui, il faut le dire, accéder à la demande d'une blessure, c'est faire l'amour avec la vie qui passe. En cela, jamais nous ne le répéterons assez, s'ouvrir à ce qui bée en soi - cette joie qui souffre - reste l'acte authentique par essence, celui qui nous justifie et nous éloigne des explications laborieuses, partielles et douteuses. 
Ce que je découvre en me soumettant à la blessure, outre cette incroyable liberté de celui qui choisit son maître et le régime de son obéissance, c'est sa nature textuelle. La blessure est un corps oui, dés lors qu'elle m'occupe, me colonise. Et ce corps c'est du texte. Peau, chair, organes, sang deviennent lettres, agencement de lettres et production d'images, de récits, de poèmes. Je n'énonce pas ici une métaphore. J'affirme une vérité qui n'appelle aucun débat. Elle n'est pas de l'ordre d'une conviction, elle fait loi. En ce sens, elle est cause. C'est-à-dire qu'elle ne se discute pas, elle s'épouse. 
Dans ce contexte, publier un livre prend une certaine dimension, qu'on pourrait qualifier de liturgique. Il s'agit en effet d'une présentation essentielle. Je veux dire, un livre est un ostensoir qui présente un corps de la blessure. 
Ne nous méprenons donc pas, le livre ne parle jamais de l'auteur, il témoigne de la béance, elle seule qui cause vrai, qui traverse la langue non pas pour bavarder mais pour fonder la vie dans la présence humaine.
Toute promotion d'un livre de poésie serait donc une réclame de ce vif qu'est la blessure dès lors qu'elle trouve un sujet sur qui exercer son autorité. Par ce vif, j'entends désigner cette percée du souffle dans la mort généralisée que nous sommes à l'ordinaire. 
Ce qui implique que la publicité d'un livre de poésie est un autre poème.

J'ai trouvé ce matin ce poème puissant de Caroline Sagot Duvauroux, qui se prête bien je crois à une réclame du vif:


" Dans les monts sous le jour, il avait sifflé. Ils vont tous arriver! Elle rit. Puis lui. Le jour a cessé de fuir. La coulée de bruyère, le scarabée. Le présent gonfle, passe les bords. Il a les yeux de nuage et le visage des évadés. Ils s'évadent du présent qui gonfle. Sur des bords. Le temps? incertain. Mais le temps? Longer. Ils font. Est-ce un ravin le temps, où la tendresse cherche ses bords? Sa fin dans la soif. Ils ont soif dans le soudain monde. Ils s'embrassent sans y croire. L'embrassement fait le reste. Le feu. Sans cesse. Nous aurons des journées vides pour que sans cesse. 

La gloire du jour anéantissait le temps. Nous cessions. 

Hésitant, constamment agressé sur ses deuxièmes balles, à la peine au retour, manso, le taureau de Majorque attend que son hôte regagne l'illusion et quitte ses trophées. Dans les tournois d'autrefois c'est de la blessure du chevalier qu'on attendait le coup victorieux. Sans la blessure on gagne des matchs on n'est pas un champion. On n'est pas un homme sans la mort du mourir. Seul le blessé sait sa main incompétente et qu'il lui faut l'autre main, la main prêtée par le désir, le thymos, pour servir. "


Le livre d'El, d'où, Editions Corti, p 102



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Je remercie Jean-Yves Fick pour sa présence rigoureuse et bienveillante tout au long du travail de correction, de reformulation et d'agencement de l'ouvrage. A François Rannou va ma gratitude pour l'accueil de mon manuscrit et pour ces conseils précieux. Je remercie Roxane Lecomte pour son efficacité, sa souplesse, sa patience et son écoute. 
Merci à Gwen Catala.
Cette expérience de première publication fut l'occasion d'un joyeux apprentissage. Je n'aurais pu trouver instructeurs plus compétents.  

Je salue Xavier Combres pour sa réactivité et sa disponibilité. Il a su accompagner et mettre en valeur la lecture de mes textes, avec cette sensibilité si à propos qui le caractérise. 

Pensées à Lionel-Edouard Martin pour ces mots encourageants
et à Anh Mat pour sa présence constante. 










Une réclame du vif - Mai 2014


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