lundi 24 décembre 2012

293 - Famille







dimanche 23 décembre 2012
Je suis contraint à l'immobilité depuis ce matin. Un mal de dos m'a soustrait aux activités pré-festives. C'est dans un mélange de culpabilité et de ravissement que je tente de loger cette mise au repos forcée. 
Le méridien de l'inaction, je l'ai parcouru déjà, avec plus ou moins de réussite, lors de mes années de solitude. J'y ai expérimenté une vie authentique, je crois, quand seul face à soi-même on se prend sans cesse à partie sous prétexte de mener à bien un projet dont on ne saurait définir en quoi il est nôtre plus que celui du voisin. 
Et pourtant il nous est si cher que notre vie même en comparaison semble dérisoire - c'est du moins ce qu'on se raconte. Et la vie se réduit à cela: ce qu'on se raconte en compagnie de soi-même. D'où l'inaction. Et cette inaction constitue le terreau inattendu d'une transformation de soi au bout de laquelle le projet prend forme, non pas comme on l'aurait voulu, mais d'une manière qui, étonnement, nous sied à merveille.
Bref. 
Mais aujourd'hui je ne suis plus seul. Par une intuition absolument récalcitrante à toute forme de mise en récit, intuition que parfois je fustige, que souvent je loue, j'ai choisi de me lier à Alice. Ensuite de quoi, d'être père je me suis dit que oui, ce serait une expérience tout de même, une expérience qui ferait de moi un homme un peu plus. 
Aussi, tandis que sur ce canapé je tente de faire miennes et la douleur et l'inaction par le moyen privilégié du recueillement, ma fille ne se lasse pas de pousser son chariot en criant au travers de la pièce et ma femme s'active sans désemparer, m'interpellant sans cesse pour me poser des questions d'ordre pratique auxquelles j'ai par ailleurs des réponses tout à fait pertinentes, ce qui n'est pas très propice à la mise en suspens des contingences du monde. 
Cet empêchement,
je l'aime,
parce qu'il dit la lutte que je mène contre moi-même pour vivre parmi
les vivants,
et il affirme joyeusement que du combat, aujourd'hui - demain je ne sais -, je sors victorieux.
C'est pourquoi je reste, dérangé, surtout dérangé, sur mon canapé, tel un anachorète marmoréen pris dans un essaim de papillons. 











mercredi 22 juillet 2011
J'écris ce journal sous les aubettes et dans les bus, en contrebande, en cachette de ma vie officielle. Je ne désempare pas. Le manque de temps est somme toute l'effet d'une cause heureuse, ce qu'on nomme à l'ordinaire : la vie de famille. 











C'est sous tutelle de la brisure que soi fabrique de l'écrire, 
ce reflet parcellaire.





Il m'est donné cela que la vie de famille est le lieu de cette 
brisure totémique 
sous l'égide de laquelle 
je fais de 
l'écrire.

La famille que j'ai fondé est lieu de création. S'y love l'objet éclaté qui permet quelque chose que je ne saisis pas, qui me meut, qui se joue dans ces mots que je poursuis. 
C'est l'amour peut-être c'est le lien,
l'ultime relatif.





samedi 26 avril 2008
Je me sens bien. Je sens une proximité entre ma parole et ma peau. Ma peau est toute proche. Ma parole danse tout près de mes lèvres. Je me sens réduit à un espace clos, ouvert de l'intérieur sur un abîme de nuit lumineuse. 


mardi 29 avril 2008
06h07
La nuit bleuit, pâle de plus en plus. Son ciel est pur. La lune donne son croissant comme un iris d'homme fendu par la moitié; elle nous regarde, nous promet le soleil dont elle se pare pour luire doucement. Un merle, fou du jour à venir, chante de vive voix; ses trilles cascadent sur le lit du silence en un frais ruisseau. 










mercredi 11 mars 2009
Je suis triste. Triste "videment." Triste dans la viduité que laisse la chute de l'idole. Oui, l'idole est à terre. Le désert chante en silence, le vent sur les rocs que j'ai été il y a peu, sur le clapotis de la mer que j'ai été il y a peu. L'idole à terre libère un horizon dont la réalité incandescente et banale bat en brèche la fièvre délirante de mes rêves de puissance. C'est un horizon d'homme, à l'orée de la finitude. Un chemin pour la verticale que je deviens. Une danse pour l'équilibre que je deviens. 
Je suis triste mais je respire mieux.
Je suis triste en promesse de lendemains plus humains. 
Je suis triste car j'ai perdu ce qui me tyrannisait.





- Papa tu as mal encore? 






lune est promesse de jour
estuaire de la nuit
par elle le songe 
n'est pas étranger au soleil















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