dimanche 8 décembre 2019

32 aM - journal / notes / citations / photos






dimanche 8 décembre 2019
Aujourd'hui fut un jour heureux de pas grand chose, ce genre de jour dont rêvent des millions de personnes sur Terre, jetés qu'ils sont dans des océans d'empêchement (formule de Charles Gardou). Un jour de pas grand chose donc, avec les êtres aimés, choisis, ceux intimes qui me constituent autant que je me constitue moi-même.

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Très impressionné par la lecture de Songes de Melvido de Volodine. J'avais lu dans le temps Les anges mineurs et Le port intérieur - j'avais bien aimé. Mais la déflagration que constitue la lecture de Mevlido est autrement plus enthousiasmante. 
Les divers affranchissements (inspirés d'autres traditions que la nôtre) que s'autorise le livre relativement à la temporalité et à l'espace. L'incertitude qui mine les différentes catégories fondatrices de la raison occidentale: les vivants et les morts, les humains et les animaux, les causes et les effets, le rêve et la réalité, l'être soi comme invariant d'une existence propre... ces torsions induites dans les repères de la raison d'être provoquent un flottement de la question de l'identité: ce que je dis et ce que je pense que je suis n'a à vrai dire aucune importance dans ce monde; l'enjeu d'un tel questionnement est chuté - d'un point de vue psychanalytique, on peut se demander si ce désastre, terrible mais somme toute possiblement libérateur, ne correspondrait pas à la fin de l'analyse. Quoi qu'il en soit, ceci précisément inhérent au livre de Volodine me semble extrêmement salvateur pour un contemporain particulièrement crispé sur cette question.
D'autre part, ce monde décrit comme se trouvant après les génocides et la guerre totale, présente un être humain épuisé dans ses plus intimes ressorts. Or, c'est dans cette exténuation précisément que nous sommes amenés à goûter cela qu'on en finit jamais d'épuiser l'épuisement. La disparition reste cette scène qui semble ne pas avoir vocation à conclure. C'est dès lors une étrange beauté qui se révèle, où la tendresse et le lien amoureux trouvent à s'exprimer dans les confins, non pas tant sur le mode de l'effectivité que dans un espace paradoxal où la rencontre impossible tient lieu de cohabitation consolante.
Enfin, l'onirisme comme monde, où l'être humain est invité à investir une sorte de déambulation multidimensionnelle et infra existentielle - il s'agit d'une vie réduite à presque rien dans un dédale où l'énonciation et la substance du réel tendent à se confondre - questionne l'humanité comme divinité déchue ou bien ratée... Quelque chose a manqué et ce quelque chose n'est pas réparable. Cependant cette échec insolvable ouvre une expérience singulière qui tient au plus intime de l'être humain, à cette insubmersible inclination à chercher la répétition d'une tendresse primitive, quitte à ce qu'elle n'ait jamais été qu'une fiction, ou qu'une illusion.

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- [...] Accepter le n'importe quoi du destin.
- Je sais, dis-je. Se résigner au n'importe quoi, quoi qu'il arrive. 
Songes de Mevlido, Volodine

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