dimanche 5 novembre 2017

680 - peut(-)être un journal






Il y faut du corps sans doute. A quoi bon? Ne sais. Mais cela reste à faire. La nuit a le dos rentré dans les décombres. 

          tu cries encore depuis
          les coups de pieds
          dans le flanc

     c'est une histoire qui veut bien

j|e ne prends la main de personne. C'est seulement cela: de la tendresse qui s'ignore.

          l'épaisseur d'une voix
          qu'on jette à l'eau
          change le cours des choses

Il y a des fois ton regard qui erre sans toi, un visage beau comme le jour à l'heure où les oiseaux lancent l'alphabet dans le bleu. 
Ton regard clignote au bord du trou, il donne un rythme à mon pouls, et ses trajets aléatoires circonscrivent un territoire possible pour l'amour.


une limite contre laquelle
faire le poids

j|e pèse peut-être

Je ne suis pas de ceux qu'on énumère.

     l'heure aura grandi
     jusqu'aux branches des arbres

on dit, on le dit, on le dit cela, on dit

Sans doute à la fin je relèverai la tête et mes yeux fatigués verront le feu qui me tient lieu de poumon. 

*

#M.E.R.E
J'ai épuré le texte avec Virginie et Jean-Yves. 
Des questions posées.
D'abord concernant les photos des sonderkommandos d'Auschwitz que j'avais insérées dans le livre. Il s'agit de trois photos issues de la série des quatre photos prises par Alex, ce juif grec, au risque de sa vie, photos tentant de montrer quelques vues du processus d'extermination. Référence au livre "Images malgré tout" de Georges Didi-Huberman. Référence surtout à l'existence tragique de ces êtres humains que les nazis obligeaient à travailler dans les usines de fabrication de cadavres des camps d'extermination. Référence (indirecte) au texte de Zalmen Gradowski qui reste encore pour moi un des livres les plus importants qu'il m'ait été donné de lire. Ce texte témoigne d'une éthique de l'écrivain à l'aune de laquelle j'entends essayer d'établir certains de mes propres textes. Cette éthique, proche de ce qu'Imre Kertèsz a pu formuler à ce sujet, peut-être puis-je la formuler de la sorte: témoigner du réel dans lequel les contingences nous ont jetés. Par témoigner, entendons qu'il s'agit de créer une forme esthétique propre à susciter un entendement du réel en question, non pas une explication, non pas une analyse, non pas une évocation, non pas un récit de vie, un peu tout cela à la fois, sachant que cet entendement auquel nous prétendons n'a pas vocation à emporter la totalité de l'expérience initiale, mais plutôt à en livrer une "image", voire une fiction. Simplement, comme nous l'ont enseigné nos ainés, dire tout le réel, c'est impossible. La justesse de cette affirmation se laisse d'autant appréhendée lorsqu'il s'agit de transmettre quelque chose d'un trauma, que ce soit à l'échelle d'une civilisation comme dans le cas d'un génocide, ou d'un destin individuel comme il nous est donné parfois de l'expérimenter à travers une situation d'accident, de deuil ou de maladie. Il me semble que c'est une signification possible de l'affirmation de Kertèsz: "Le camp de concentration est imaginable exclusivement comme texte littéraire, non comme réalité. (Pas même - et peut-être surtout pas - quand on le vit)".
Oui mais voilà,
ces photos, je les ai tout de même enlevées du livre. Elles sont comme un échafaudage sans doute, qu'il faut retirer une fois l'ouvrage terminé.
Il s'agit maintenant d'ouvrir le sens, ôter les références, laisser place au lecteur: lui faire confiance pour cheminer dans ce dédale qu'est M.E.R.E.
Je dépose ces pages ici, pour mémoire.
Peut-être les utiliserais-je pour le site Les balises (conçu comme prolongement web du livre)?





*

Un extrait du travail de mise en son de M.E.R.E avec Philippe Dubernet - version studio non mixée.



***











1 commentaire:

Dominique Hasselmann a dit…

J'ai près de moi le "petit" livre de Georges Didi-Huberman, "Écorces" (Minuit, 2011), avec même une dédicace de sa part...

Une période presque ahistorique tellement elle semble lointaine et proche : tu contribueras à la faire vivre dans son malheur pédagogique.