jeudi 20 novembre 2014

485 - LIVRE-AVRIL - 16 (Provisoire)







          16




          mon sang se tait      




nous avons désossé notre fatigue / nous en avons brisé les os / et nous avons écrit les poèmes avec la moelle de notre harassement / d’avril jusqu’au bleu de la mare nostrum / jusqu’au Gibraltar nous avons jeté nos forces / et nous avons lu les livres / et nous avons été les livres / et nos livres ont hurlé la mort et ils ont hurlé la vie / et nous avons jeté les poèmes du camp dans la bouche des migrants / et les migrants ont été des Guinée / et ils ont été des Syrie / et ils ont été des Maroc / et ils ont été des Afghanistan / et ils ont été des Erythrée / et ils ont été des Palestine de Gaza / et ils ont été des Soudan / et ils ont été des Egypte / et ils ont été des Somalie / et ils ont été des Mali / et ils ont été des Niger / et ils ont été des Burkina Faso / et ils ont été des Ghana / et ils ont été des Togo / et ils ont été des Bénin / et ils ont été des Nigeria / et ils ont été des Côte d’Ivoire / et ils ont été des Mauritanie / et ils ont été des Centrafrique / et ils ont été des Gabon / et ils ont été des République démocratique du Congo / et ils ont reçu les poèmes hurlants de l’Europe et de l’entre les langues de l’Europe / les migrants ont hurlé en retour / de leurs embarcations de fortune ils ont hurlé en retour / ils ont hurlé qu’ils portaient la blessure / ils ont hurlé qu’ils avaient la lumière de la blessure avec eux / et les migrants ont été le poème / et le poème est monté jusqu’à nous / et nous n’étions ni de la vie ni de la mort / et nous étions du camp / et nous avions le camp pour seul corps / et Gibraltar a été constellé des corps du poème / et Gibraltar a été constellé de blessures et d’espoirs / et nous avons été refoulés par les hommes du FRONTEX / et nous avons vu les migrants se faire arraisonner / et dans la bouche d’avril nous sommes revenus



                                la mort
          et son pouls      –      joie      




je suis passé. 
je me retourne : se laisse apercevoir, seule, une vibration informe d’où s’essorent de temps à autre des souvenances en attente d’un texte. 
au cours duquel prendre corps avec les faits.
dans la frontière, qui n'a pas d'au-delà, qui est le monde en soi, se trouve la généalogie du sperme.
par sperme il faudrait entendre que ce père meut, ou bien que ce pair meut, ou bien que se perd meut, ou bien que sperme. mais cela reste indéterminable pour le moment. 
et la frontière se révèle une grande plaine sinistre et glaciale des hivers polonais.
je découvre avec stupeur que c’est là précisément que la plupart de nous, y compris les plus vivants, vivent jour après jour. 
et si je me retourne à nouveau, j’envisage autre chose: des bribes pauvres et sexuelles d’une histoire qui n’en est plus une, loin de tout oubli, loin de tout prétexte, parce que personne n’aurait rien vécu depuis longtemps. 
il faut comprendre peut-être que la plaine aujourd’hui, cet hiver incessant et sucré, cette frontière d’un profondeur sans limites, reste un espace dans lequel aucun visage ne saurait plus advenir, y compris au terme d’une relation amoureuse. 
et si l’on se penche, on trouve sans peine ces fragments des livres de médecine de Jean Astruc et, parfois, les feuillets d’un roman abandonné dont l’auteur eut la folle ambition, un temps, de briser le corps malade de la frontière pour qu’advienne un territoire des visages.
Avant d’être lui-même brisé, comme il en va de toute déferlante.



          ton épaule menue      moindre
          lisière _ écartelée      



Ici, prendra place un texte trop long pour un billet dans le cadre de ce blog. On peut commencer à le lire ici.



             pour loger ce précipice à l’endroit 
      nôtre



d'un hiver à venir les épreuves et les doutes mais aussi ce qu'il en est de soi après les épreuves et les doutes quand on se sent moins fort mais aussi plus apte à exister vers les infinies complexités du delta vers les sagesses de l'estuaire cette nuit encore la fatigue me tient éloigné du repos je cherche l'oubli sans pour autant sombrer dans l'inconscience alors je m'use comme un galet dans le rire de l'eau je m'altère dans la moue nocturne c'est une occupation dénuée de sens j'aime à m'y plonger quand j'en ressens la nécessité cela ressemble à un suicide il me paraît de la plus haute importance d'apprendre maintenant à m'ennuyer à l'écart de soi cheminer à mes côtés tourner autour de soi faire les cents pas à proximité de ma propre conscience obséder mon existence à la manière d'un souvenir diffus impalpable intense me hanter avec des motifs incertains vides politiques d'une beauté sans pareille d'une poésie pas même vieille d'une heure voilà je crois une modalité de la révolte aujourd'hui c'est un secret qu'il faut trahir aux heures tardives de la solitude




















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