jeudi 3 octobre 2013

384 - peut(-)être un journal










Le maire est un poète exigeant.

*


je suis la toux
qui racle l'infini

ce petit monstre
qui jouit qui jouit
dans l'incurable.

*

la nuit reste une île revêche dans le bien-nommé. j'écoute les jours rêver là-bas dans l'errance des fleurs. A. dort avec le dédale sous la paupière. elle s'est prise au jeu des ruelles à répétition. 
je refuse à vrai dire cela qui ment : je l'embrasse. tu sais bien. Alors que fais-tu assis dans la paresse des mots d'ordre?

*

père-pétuité <——— mère-pétuité

ruban de Möbius... 
un retournement de situation sans sortie, sans salut, sans rédemption, de la droite vers la gauche, à contre courant
dans la boucle close

*

le deuil est une histoire d'amour sans lendemain 
peut-on rester éternellement dans le même jour? 
vieillir dans un temps qui ne passe pas? 
assurément oui
la puissance humaine l'autorise 
pour le malheur des faibles 
des tenaces 
et des amoureux

*


Pendant quelques jours, sentiment très négatif, épouvantable, concernant les dernières livraisons du Voyage à Mazamet. Et puis c'est passé. 

J'ai allégé le texte 23 quelques jours après la publication. Les parties qui dégoulinent trop...


Ecrire les textes de ce Voyage me prend beaucoup de temps et d'énergie. Je dois lutter contre moi-même pour ne pas clôturer le sens du rêve; ce que je fais systématiquement dans le premier jet; ce n'est qu'après une longue rumination que j'identifie enfin les phrases qui clôturent, concluent, ferment le sens. 
Je remarque que ce repérage ne vient jamais quand je suis à la tâche, mais plutôt quand je m'occupe de ma fille, quand je joue avec elle ou que je lui donne le bain. Y aurait-il un lien entre cette activité de père et l'ouverture du sens de mes textes?
Il existe un lien étroit, profond, entre père et écrire. Et je crois que ce lien se noue dans la lettre R. Cette lettre est un noeud qui évoque l'air, le sans poids, l'invisible. Or, c'est bien de cela dont il s'agit dans le lien entre père et écrire: d'un noeud qu'on ne discerne pas, qu'on instruit par ce qu'il permet, autorise, comme expression singulière d'un rapport au monde. (Je pense au journal "Corderie" de Christophe Grossi, qui travaille et relie, il me semble, ces dimensions de paternité et d'écriture.)

D'un noeud qu'on respire, 
qui autorise les scènes de représentation où peut s'évoquer une certaine vérité de l'humain face à lui-même, 
qui vient au mensonge dés lors qu'on prétend le saisir en soi. 

*


Cette année, mon emploi du temps ne me permettra pas d'écrire autant. Je table sur deux publications par semaine. Avec l'envie de partager des textes un peu plus aboutis. 
Et puis j'ai le désir d'écrire du poème, 
simplement du poème,
de creuser dans le ruban des noms.  


Faisons une liste des projets plus ou moins en cours, puisque c'est à la mode, les listes :

M.E.R.E (Voyage à Mazamet - Les Balises)
METEO (fragments poétiques autour de la vie à deux)
Le drône (nouvelle pour nerval.fr s'ils en veulent)
La nuit est une histoire d'amour sans lendemain (vieux texte que je ne cesse de travailler et qui ne donne rien mais j'y reviens toujours)
GALET (bientôt sur le blog je pense)
Traité d'ostéonirismologie (gros projet plutôt irréalisable qui a vu le jour avec le texte que j'ai écrit pour la revue d'ici là)
Paroles, échange avec Emmanuel Delabranche.
MEMORIAL (des morts qui ne sont pas encore nés) (en stand by depuis perpète...)
Dans le camp (en stand by aussi, mais envie de mener à bien cela)
Dans ma plaine (récit onirique topologique sentiment géographique d'un rêve de promenade)
Le traité des flaques (bientôt sur blog peut-être)
Antimanuel d'éducation spécialisée (pour faire quelque chose de ce boulot qui est le mien)
Une expérience de scène (poétiser réfléchir l'expérience de la scène quand je chantais dans un groupe de hard-core (écouter un titre ici)

*

Mais pourquoi tous ces jeunes auteurs sont-ils si mal rasés?

*

Ma fille me demande, tu peux écrire mes bébés?
J'acquiesce, sors mon calepin et note:
Ramoni (prononcer en partant du grave vers l'aigu)
Cadica
Racoti
Maricota
Itoca
Et ça suffit apparemment, conclut-elle. 

*


Le jour encore bleu de nuit s'évase entre les feuilles du figuier. J'aperçois une maison en face. C'est la première fois que je vois cette maison en face. Elle me regarde depuis la rivière des heures. Je la connais bien. Chaque automne elle repousse derrière la murette. Ce n'est pas un rêve. C'est l'entrée dans le vrai monde.

*


J'appréhende les livres de loin. J'intègre les textes quand il ne m'en reste qu'un souvenir dégradé. De l'oubli grandissant perce un trait, une pointe, un énoncé qui parle. Je fais un effort pour saisir ce rayon intense. Caresser ce rai, c'est cela comprendre un livre pour moi. C'est-à-dire que comprendre un livre revient à cueillir une sorte de pressentiment qui affleure à la surface de l'oubli en train de gagner. 
J'aimerais que mes notes de lecture concernent cette chose-là. Mais quel travail!...

*



De plus en plus évident que le tatouage sera inscrit sur ma peau, en réalité. 
Ce tatouage que j'ordonne dans le repère, ces trente-deux lettres de l'alphabet polonais comme autant de balises pour quadriller de poèmes le territoire du vide, mémoire blanche du trauma, autrement dit du souvenir à venir, blanc lieu innervé du rêve de New York, du non-événement et des écrits des survivants de la Shoah.
Ce tatouage, donc, inverse le processus d'aliénation à l'entrée des camps  de la mort, selon lequel les déportés se voyaient attribuer un numéro, en fonction de la date de leur arrivée et des critères de catégorisation mis en place par l'administration nazie, en lieu et place du nom que leurs parents leur avaient attribué, selon un désir et une culture.
Dans la démarche que je poursuis, le tatouage signifie un retournement de situation, du statut de traumatisé, je passe au statut de ce que l'on pourrait nommer traumatiste, comme on passe d'analysé (analysant en fait...) à analyste. 
Le traumatiste serait celui qui est assigné à résidence par le trauma dans la zone blanche, dans le sans mémoire, dans le sans mots: dans le Camp. Ne pouvant sortir de ce territoire du trauma, le traumatiste renonce au dehors, épouse une posture de création au coeur de cette contrainte, "il bricole dans l'incurable" (merci à Brigitte Giraud de m'avoir transmis cette expression si précieuse de Cioran). 
C'est bien cela que représente le ruban de Möbius, ce passage d'un côté à l'autre sans changer de face, c'est opérer le retournement qui fait du camp un lieu de vie. 
Une sorte de miracle laïque, sans surnaturel.  

D'autre part, j'aimerais que Les balises donnent lieu à un site. Quelque chose qui aurait à voir avec Dita Kepler. J'aimerais oui... 

*   

La vie domoustique, c'est quand le foyer bat de l'aile dans l'énervement et que chacun suce le sang des autres dans la fièvre et l'hystérie.

"Les Atrides, c'est la vie domoustique poussée dans ses extrêmes."

                         Jean-Pierre Vernant

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Suis profondément inquiété par l'ambiance qui règne aujourd'hui en France.

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Que faisons-nous de nos mains?


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2 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Liste ou piano quelque part (histoire de gammes).

Julien Boutonnier a dit…

Tu connais la musique...