lundi 8 juillet 2013

367 - Voyage à Mazamet - 18







Notes en vue d'un cri




Au cimetière tout s'est tu.

          Le rêve du vieux s'est retiré 
          dans le taire des mots.

Je suis sorti de la voiture. J'ai respiré l'air frais. J'ai salué la montagne Noire. Et je me suis dirigé vers la photo que lit le vieux dans le rêve de New York. Je me suis dirigé vers ce lieu que je ne savais pas situé encore. J'avais l'intuition que ce serait facile. Je savais déjà que le péril serait d'ailleurs. Probablement dans la redite éreintante d'une connaissance banale. Comme ce ciel crayeux peut-être sur le fond duquel aucune couleur ne semblait possible. Mais j'avais tué Inc_ste. Mais j'étais aux Enfers. Et cela c'était vraiment inédit. Je me sentais fort. Je me sentais jeune. Le vent était mon sang là-haut dans la forêt. Mes yeux avait pour surface le monde incendié de lumière. J'avais à perdre ce désespoir fou qui m'enracinait dans la rage et l'expression du cri. J'avais à me perdre. J'étais prêt à changer. J'étais prêt à faire face au savoir banal que déjà je maîtrisais mais que par fidélité pour ma douleur je ne pouvais ni ne voulais rendre effectif. Combien de jours parmi les hommes à vivre ainsi, dans la connaissance du juste et malgré cela dans l'incapacité de faire quoi que ce soit de décisif? Ce n'est pas le savoir qui libère, c'est le meurtre de soi. Je me suis appelé. Je me suis dis dans le silence et la solitude. Je me suis parcouru de long en large. Je me suis ému tellement je ne me connaissais pas. Tellement je n'étais plus une habitude pour moi-même. Il y eut un sourire, je m'en souviens bien, sur mon visage beau comme une averse un soir d'été quand la soif a dit les choses. Après bien des années j'étais proche enfin de pouvoir partager ma vie, et d'abord avec celui-là que je devenais. Il s'agissait d'établir un dialogue dans l'abîme, ce qu'à l'ordinaire on nomme un peu vite une conscience, comme si c'était naturel, une conscience, mais non, c'est improbable, cette voix qui se cherche dans le précipice que nous logeons, que nous sommes, cette réflexion qui nous chuchote le ruissellement du mystère. La révélation n'aurait rien d'extraordinaire. Les cieux ne s'ouvriraient pas. Les nuées demeureraient muettes. Seule l'herbe serait à la hauteur. Ce que je cherchais, c'était ma vie de tous les jours, ma vie fondée sur la blessure, ma vie de tous les humains. Il ne restait qu'à trouver la photo, le texte en image que lit le vieux, ces phrases logées dans les pixels du rêve. Ta mère était lamentable. Elle n'était pas une mère. Elle ne disait jamais rien. Il ne me restait qu'à cadrer un bout de mur humide et quelques cyprès, en signe d'obéissance. J'ai sorti mon appareil photo. 










Voyage à Mazamet, notes en vue d'un cri - 18, lundi 8 juillet 2013

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