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mardi 25 juin 2013
361 - delabranche/boutonnier_paroles /3
viens vers la ruelle à l’heure sans lieu
je me suis perdu les yeux fermés
je vais l’air
je vole lyre
je vois lors
je prends le temps je vis trempé_ l’or gris des cailloux sans gorge ni cri_ je vis trempé sous l’or gris des cendres chues_ j’entreprends ce qui du temps crie
le temps m’apprend_ le ruisseau sans espoir qui coule dans mes veines_ il m’apprend que rire passe et ne revient qu’en forêt de bouleaux
je vise l’en-bas où perle ce qui parle
et l’eau et la terre dans les mains_ et lui de hurler le regard tendu au loin_ écoute ses mots distants qui ne disent rien
tu dis viser tu dévisages tu dis vague tu vis trempé
et le bruit de monter le sang de taper les yeux forcés de fondre or du monde écoute écoute écoute ça rôde gronde plombe
est-ce hurler prendre l’eau vivante à bras le corps_ est-ce plonger dans les viandes inondées d’envies_ tu dis hurler tu rues dans la houle
tu dis fouler et te rues sur les mots comme sur une foule prends prends prends
mots perdus mots lancés mots enfouis mots tus mots disparus mots dispersés mots désespérés mots crus
oui que prenne mon élan ce qui s’élève et s’inverse et qu’au plus profond des frontières meurent l’homme à même son nom_ explose l’or du son
l’eau du corps et l’eau du fleuve se mélangent pareil à la terre et ta bouche que des mots tempête explorent
j’ai perdu mon père perdu un fils avant de naître perdu ma mère continuelle fuite
j’ai perdu l’or perdu la tête perdu la vue au loin et la main qui m’était chair depuis tant
mots morts rien de rien_ mots nés en catastrophe mots néant rient de rien tu dis viens mais seules les errances de l’air font ce vent muet
j’ai perdu cet élan qui te souffle mots ce son martelant ton nom comme celui d’un canon sans cesse rechargé
j’ai perdu ta voix au loin
et l’air n’emplie plus mes poumons
comme on va à l’abattoir je m’enchaîne mais tiens bon
tu ouvres la bouche et tu gueules père fils_ tu es l’entracte de chair et de sang_ seule une forêt sait l’inverse du trèfle
à l’abattoir le père à bon dos
et l’hurlement du fils donne le ton depuis
si tu savais depuis combien de générations les pères arrachent aux fils les yeux de l’amour
seule la forêt sait mourir au désert
les yeux de l’amour
seules les clairières sont des mères pour toi
les yeux de l’amour oui j’ai vu_ j’ai cru mais c’est peine perdue
j’arrête d’obéir je quitte la meute j’écris (dit-il)
arracher la terre comme une peau prendre l’eau jeter le sel brûler l’air enfumer le ciel tendre l’arc à rompre
plier le corps lever la tête regarder loin jeter tant cracher son sang refuser les mots se déployer
immensément
et c’est là
sous l’ivre matité d’un espoir rejeté
c’est là qu’enfin tu commences ce qui jamais n’a cessé
(dit-il) j’ai bercé le tranchant d’un amour_ j’ai terré le chant des larmes au val d’une plaie
je n’ai jamais cherché vraiment au-delà de l’apparent rien à gratter rien à fouiller effleurer seulement et vois comme la peau s’hérisse
la caresse est une profondeur lancée vers l’insoumission
je m’appelle du monde le fond
je m’appelle la mort de tout
je m’appelle l’horreur des fous
je m’appelle du temps la pause
je m’appelle l’ombre
je m’appelle et n’entends même plus ma voix
j’ai cherché l’appel mais rien ne fut nécessaire_seul le gouffre où résonne ton œil
l’herbe brûle et nos voix s’élèvent
peaux matière du venir peaux issues du vieux vent demain
et nos voix sombrent
et vont nos ombres
et vont nos pas
et puis
c’est devenu autrement qu’une personne que j’ai trouvé la fuite
c’est devenu à la pointe presque du môle le moindre souffle d’air
là j’ai rencontré ta fièvre et tu m’as dit_ je m’en souviens_ ces mots distants qui ne disent rien_ tu me les as donnés en partage
et depuis
j’ai perdu le sens perdu le temps perdu l’immense et tant
j’ai perdu la nuit le jour sans cesse j’ai perdu tant que ce que je fais blesse
j’ai perdu la voix fini je ne parlerai plus j’ai perdu les mots n’en pouvais plus
elle m’a dit tu dois être bien malheureux pour agir ainsi
elle m’a dit ça comme on dit au revoir et puis
tu sais il y a ce qu’on garde cache enferme en soi et le mal qui agît s’agite en dedans blessant le corps rayant la paroi
et depuis
je me tais assis là à ma table comme à quinze ans qui me taisais des mots distants qui ne disent rien
et que faire d’une exuvie si ce n’est écrire dessus_ ce qu’on perd tu sais c’est du blanc pour jouir à la lettre
j’ai perdu les restes j’ai perdu la ruine mon père j’ai perdu les friches j’ai perdu les mauvaises herbes_ toute la vacance j’ai perdu
mais à vrai dire le petit vent du soir m’a trouvé_ moi aussi elle m’a dit tu dois être triste pour être si peuplé
j’ai haussé les épaules et les rails m’ont sifflé j’ai pris la route et depuis je perds tout je pèse autant que gravats pulvérulents
(échange "twitter" in progress entre Emmanuel Delabranche et moi-même_ publié avec son accord_ 2013)
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