dimanche 6 janvier 2013

301 - peut(-)être un journal

NOTES
Finalement ce n'est pas si difficile de vivre. Il y faut un peu de présence à soi, c'est tout: saisir les pensées qui passent et faire et parler comme si elles venaient de soi, puisque c'est ce que tout le monde semble tenir pour une évidence.

Je ne cherche pas à donner l'impression que je suis un créateur, je cherche à donner une expression qui,  dans son droit fil, créera mon visage.

Je crois qu'écrire, en définitive, n'est rien d'autre qu'oublier, c'est-à-dire se remémorer ce qu'on ne saura jamais. (encore une formule mal formulée dite des milliers de fois par d'autres avant moi...)

Amorce d'une histoire destinée aux enfants:
Pain de mie et Mie de pain, 
ce sont des amis, ce sont des copains...
*

J'ai écrit deux fois dans M.E.R.E. N'est-ce pas folie que de montrer ces brouillons si récents? Quelle place puis-je accepter de donner à autrui dans ce processus de recherche, dans ce risque? Est-il souhaitable qu'un autre, par un message, un commentaire, un mail, fasse dévier le projet, lui imprime son style? Est-ce cela créer? A vrai dire: oui, aujourd'hui, je le crois. C'est rendre le processus d'influence réciproque - moi aussi je peux contribuer au travail d'autrui - à l'immédiateté là où, jadis - hier - il passait par la durée des livres ( je suis influencé dans mon écriture par telle lecture de tel auteur publié dans telle maison d'édition - ce qui s'intègre dans un rythme beaucoup plus lent, qu'il convient de maintenir d'ailleurs - lire reste l'expérience la plus prometteuse d'une écriture à venir... (peut-être, sans doute, mouais : cette affirmation affirme trop ce qu'elle affirme pour être honnête...) )
La peur qui est la mienne reste que je me perde dans l'écoute des autres. Mais cette peur est une idiotie: chaque fois que j'ai accepté de me perdre, je me suis trouvé affermi, à terme, avec un visage établi vers l'autre (autrui, mais aussi l'autre en moi que je ne connaîtrai jamais tout à fait, lui qui se transforme au fur et à mesure que j'ins-iste à ex-ister). Comment l'écriture pourrait-en pâtir?

Brigitte Giraud a laissé ce commentaire après M.E.R.E - 2:
Ce rêve, comme souvent, est construit sur des paradoxes. Il serait intéressant que vous fassiez parler les lettres de votre bras... Pour chasser la culpabilité. Les tatouages ne sont plus indélébiles.

C'est drôle, ou plutôt curieux, c'est curieux comme elle a formulé une intuition que j'avais et qui devrait être mise en forme dans quelques temps: partir de la lettre - ce souci est d'ailleurs présent dans le titre sous forme d'acronyme... 
Brigitte Giraud devine la culpabilité là où je ne la cherche pas. C'est une piste de travail que je n'aurais pas forcément explorée. Mais l'écriture peut-elle chasser la culpabilité? A priori je ne crois pas. Je ne crois pas qu'écrire puisse chasser ce nuage-là. Le voudrais-je d'ailleurs? Sans culpabilité, je serais comme un poisson extirpé de l'eau. La culpabilité est mon environnement, ma source, mon viatique, mon avenir et mon tombeau. Elle est le corollaire de la responsabilité, peut-être une proto-responsabilité. En revanche, je pense que l'écriture permet de sculpter, de former cette culpabilité, de lui donner un visage qui est issu de mon travail, de mon labeur, de ma sueur: de mon désir. Que ma culpabilité soit, in fine, un témoignage.  

Hier, sur mon carnet, j'ai noté ceci: 
J'angoisse. Comme si je n'étais pas dans mon bon droit en allant écrire du côté du trauma. Mais non: tenir bon. Ecrire malgré l'angoisse de faire vaciller quelque chose de mon identité. Cependant le socle sur lequel j'oscille à la manière d'un roseau pensant est solide dorénavant. Ce socle est, évidemment, la relation que j'habite avec ma femme et l'expérience de la paternité.

Je reprends, pour le simple plaisir qu'il soit dans mon journal, ce poème de Brigitte Giraud publié sur son blog paradis bancal. Ses mots me vont au coeur comme l'air aux poumons, il y a une évidence du poème chez cet auteur qui me touche:


L' homme  le visage tout plié dans le cou de la femme
embrasse le silence
le désir du silence
une peau 
une tête
des cheveux vers l'arrière
jetés
la démence verte d'un abîme
répandu par terre

une main s'enroule à un voile
qui traîne sur la scène

passe
sur un corps
                                       
un cheval aux semelles de feutre



voilà l'écriture

1 commentaire:

Dominique Hasselmann a dit…

J'ai pensé au "Coupable" de Bataille. Le thème de la culpabilité (si on ignore de quoi) est sans doute inépuisable.

L'apport des autres est important : car nous ne sommes pas tout seuls.

Brigitte Giraud est une poétesse qui joue aussi avec les images.