lundi 10 décembre 2012

282 - Un dimanche après-midi







lundi 10 décembre 2012
Hier, en début d'après-midi, une voisine, accompagnée de son jeune homme de fils, a frappé à notre porte. Elle nous a demandé de l'aide. Un bouledogue agonisait dans la rue. Ni les pompiers ni les policiers municipaux ne viendraient. Il faudrait se débrouiller seuls. J'ai pris mes gants de jardinage, enfilé mon manteau et je les ai suivis. 
C'était au bout de la rue, à la belle maison qui fait angle. La bête avait sauté par-dessus la clôture. La chaîne qui la liait à un arbre robuste du jardin n'étant pas assez longue pour qu'elle se réceptionne sur le trottoir, d'autant qu'à cet endroit la pente de la rue forcit et ménage un bon mètre cinquante du sol à la crête du grillage, elle s'était trouvée pendue dans le vide par le collier. 
Lorsque nous sommes arrivés, le chien en avait terminé. De loin j'ai aperçu ses pattes arrière pendiller sans vie. On aurait dit que sa tête enfouie dans la haie, dont je ne saurais dire le nom, en humait quelque fragrance à nous inaccessible. De son large museau noir propre à son espèce saillait le pétale rose de sa langue. 
Il fallut le décrocher, et pour cela le soulever, et puis tant bien que mal ouvrir le mousqueton, et enfin en ôter l'anneau. Une fois allongé sur le trottoir le bouledogue eut l'air apaisé. On a remarqué qu'on n'avait jamais vu ce chien auparavant. Le fils de la voisine a précisé qu'il l'avait aperçu hier dans la rue, accroché par une laisse à une bitte de trottoir. 
On vit approcher une voiture du Service Communal d'Hygiène et de Santé. Une jeune femme en jean et manteau bleu de service en sortit. Elle portait de larges lunettes noires qui m'évoquèrent des séries américaines désuètes. Elle nous dit à peine bonjour. Elle vérifia du bout du pied la mort de la bête. Elle téléphona: "Ouais, j'y suis là... Il est mort. Un bouledogue... Y'a un collier, je regarde." Ce qu'elle fit après que la voisine lui a expliqué qu'il n'y avait personne dans la belle maison. Un numéro de téléphone était gravé dans le cuir. Elle composa le numéro sur le clavier de son smartphone, attendit quelques secondes en vain. - Vous voulez de l'aide pour le mettre dans la voiture? - Ha non... c'est bon... - Bon ben j'y vais alors... ai-je conclu. Les voisins m'ont suivi.
En marchant sous le soleil radieux de mon dimanche, je me suis avoué, comme déjà je me l'étais dit devant les corps immobiles et apprêtés de mes grands-parents, que constater un mort, dans des conditions favorables toutefois, avait quelque chose d'apaisant. Peut-être parce qu'il n'est plus en notre pouvoir d'influer sur lui. Notre responsabilité n'est plus engagée.
J'ai souhaité un bon après-midi aux voisins. Ils m'ont remercié. Je suis entré chez moi.















La lunette d'approche