mardi 20 novembre 2012

270 - Le sac - 2/3








Je vois des plis verticaux modérés par quelques accidents obliques, je vois une alternance plus ou moins rapide de périodes sombres et de moments crayeux, je vois une ligne parfaitement verticale, fine et blanchâtre, qui se distingue dans ces fronces hasardeuses.




Je vois une nette accélération du rythme des plis, tourbillonnaire, dans un triangle posé sur le revêtement du trottoir, je vois un début d'effilochure sur le bord à droite. 




Je vois trois dépressions de forme oblongue qui se succèdent en tombant vers le sol.



Je vois deux reflets blancs striés de plis rapides sur lesquels la lumière se brise, je vois une anfractuosité qui sépare les deux reflets selon une diagonale partant d'en bas à droite, je vois une ligne, très pure, qui file, altière, indépendante, du coin bas gauche avant de bifurquer légèrement sur sa droite.

Je vois des différences de lumière, je vois des rythmes, je vois une grammaire graphique passionnante dans laquelle je pourrais me perdre pendant des heures: je ne vois en somme rien...




...jusqu'à ce que je rencontre ce possible masque grimaçant, totémique, affreux : deux petits yeux de part et d'autre d'un axe long, large, qui irait en s'évasant, malgré deux accidents prononcés au centre et sur le côté droit, jusqu'à la cassure horizontale de la bouche dont la commissure gauche serait nettement plus basse que la droite.




L'oeil à gauche est à moitié recouvert d'une paupière plissée, nerveuse ; la pupille, minuscule, opaque, nous vise sans aménité; une balafre au-dessus, se ramifiant en petites cicatrices, donne à penser que nous sommes en présence d'une entité guerrière, belliqueuse.




L'oeil à droite est énucléé; l'orbite vide, inexpressive, bée comme une promesse de mort, un voeu de néantisation. Des rides brouillonnes versent sur le côté, sans sagesse, contractées en un effort terrible pour retenir on ne sait quelle fureur.




La bouche affiche un rictus atroce d'où saillent quelques dents pointues à la commissure du côté gauche. C'est dans une tension extrême qu'un cri semble commencer d'en sourdre. 

Quelle est la cause de cette figure menaçante de l'innomable que j'abîme en essayant de lui accoler mes mots grossiers et insuffisants? Quel est ce cri au seuil de son essor? Quel est ce cri sur le point de défaire le monde?

A suivre...





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