mardi 23 octobre 2012

249 - Les morts de l'avenir

S'il paraît plus ou moins évident que les morts nous hantent, qu'ils sont de nos chairs même, qu'ils soutiennent ou dénigrent chacun de nos gestes, choix et emportements, alors nous avons pour habitude, et moi le premier, de ne les envisager que du côté du passé - cette phrase présente un problème logique manifeste mais elle me plaît comme cela, aussi je ne cherche pas à la corriger, elle restera comme cela, avec son vice de sens dont, sans doute, j'éprouve l'obscure nécessité.
Ceux qui ont vécu, voilà la définition des morts qui me paraît la plus sûre, la moins polémique, la plus adéquate, à priori. Or, à bien y réfléchir, considérant que les morts n'existent pas - je veux dire qu'ils ne prennent pas corps dans notre expérience du monde; ils ne sont pas perceptibles en eux-mêmes - considérant, donc, qu'ils insistent auprès de nous par le biais de nos mémoires bien sûr, lesquelles sont étayées par des médiations (différents rites (messes, cérémonies officielles, réunions de famille, etc...) ou objets, lieux (cimetières bien sûr, stèles, tumulus, mais aussi livres, incunables, e-books, peintures, photos, récits oraux, sites Internet, anecdotes de famille, architectures, paysages, blogs, etc...)) (pour ce genre de parenthèses superposées, le maître demeure Jacques Roubaud qui peut en fermer jusqu'à six d'un coup, je crois, dans son ouvrage Le grand Incendie de Londres, il faudrait que je vérifie mais j'ai peur de réveiller ma fille si je monte dans les combles où se trouve le



), il n'y aucune raison pour que les morts qui ne sont pas encore nés, ceux qui n'ont pas encore traversé le grand chambardement de l'existence, ceux-là, les morts de l'avenir, ne soient pas aussi accessibles qu'eux, les morts qui ont vécu. La question se porte donc sur les médiations. Elle peut se formuler ainsi, il me semble: quelles médiations nous permettraient-elles de nous souvenir des morts qui ne sont pas encore nés? 
(D'une certaine façon, l'interdit du meurtre dans le décalogue du Pentateuque est une médiation qui nous rappelle au souvenir des morts qui ne sont pas encore nés, puisqu'il exprime la sainte horreur de voir un homme ou une femme être tué sans procréer, c'est-à-dire en annulant toutes les générations d'hommes, et par conséquent tous les morts, qui s'en seraient suivis jusqu'à la supposée fin des temps.)
Pour apporter un élément de réponse, je propose d'établir une médiation numérique. A la façon de Yad Vashem qui entreprend de répertorier les noms des victimes de la Destruction des Juifs d'Europe pour les sauver de l'oubli, nous pourrions établir une liste exhaustive des morts de l'avenir. Je cherche des partenaires pour créer un site où les personnes concernées par une telle entreprise pourraient inscrire leurs morts de l'avenir afin que nous puissions nous souvenir d'eux, il n'est que temps (rendons-nous compte que depuis que l'homme est homme jamais peut-être il ne s'est donné la peine de se souvenir des morts qui ne sont pas encore nés...). 

Pour donner l'exemple et stimuler les vocations, j'ouvre donc un blog à la mémoire des morts du futur. C'est peu, mais c'est un début. Vous pouvez vous y rendre par ici. Vous pourrez y découvrir le mort qui inaugure cette grande entreprise par laquelle j'espère que nous honorerons le devoir de mémoire qui nous incombe.



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Quoi qu'il en soit, les joggers joggent : voilà le vrai mystère...








La lunette d'approche

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