jeudi 13 septembre 2012

204 - Les fougères

Cet après-midi-là, Joseph a cessé de marcher un instant. Il a mis les mains dans les poches. Il a regardé ses pieds. Il a stationné ainsi sur les pavés de la rue piétonne toute récente, voulue par les urbanistes et les politiques galerie commerçante à ciel ouvert. Il s'est souvenu. La foule des porteurs de sacs alentour fluaient bruyamment dans les sens de la marche. Il s'est souvenu. La foule portait haut les sacs des grandes enseignes en une gigantesque réclame fourmillante. Il s'est souvenu. Il y en avait pour tous les goûts: Sephora, Fnac, H&M, Zara, Virgin, American apparel, Footlockers... Il s'est souvenu qu'à la période permienne, soit environ 275 millions d'années avant ce moment, à l'endroit exact où il s'est arrêté, des fougères arborescentes ont foisonné pour la première fois au monde, il les a senties ployer sous le vent, il les a vues, elles, alors à peine apparues sur Terre, ils les a vues, si fraîches, si vertes, si jeunes, il les a vues croître au soleil de l'époque, il les a senties dans sa chair, si vigoureuses, si enthousiastes d'avoir pris place dans un lieu, si enthousiastes d'exister, d'être dans la présence, il les a contemplées dans le murmure inquiétant des espaces permiens tandis qu'au loin s'avançait un dimétrodon, il les a contemplées dans le brouhaha des humains porteurs de sacs, et puis il a repris sa marche, et puis il s'est senti un peu seul.









La lunette d'approche

Aucun commentaire: