jeudi 7 juin 2012

141

La troisième séance a commencé avec ces mots:
- Je ne me souviens pas bien de ma mère. Elle est morte quand j'avais douze ans. Je devrais me souvenir pourtant...
Silence...
- J'ai dit que plus jamais, ça signifiait pour toujours... 
Silence...
- Je crois que mon histoire s'est figée dans ce pour toujours... Je vis hors du temps. Je me perds dans les dates, je ne me souviens pas de ce que j'ai fait la veille... J'erre dans une brume sans avant ni après... C'est le pour toujours en question... C'est un lieu où je suis protégé de la vie, de ses surprises et de ses douleurs... Mais j'y suis aussi tenu éloigné des joies et des rires... C'est une zone grise, sans bruits ni odeurs... C'est une sorte de camp dans lequel je m'attelle à...
- Oui?
- Je pense à quelque chose... J'ai passé beaucoup de temps à fouiller dans les tiroirs de la maison quand j'étais petit... Je ne sais pas ce que je cherchais. Cette occupation me procurait une sorte de vertige. Dans le camp de ma brume, c'est cela que je fais, je farfouille, je cherche... Je cherche un symbole, quelque chose de pur, d'indiscutable... Ma maladie, c'est peut-être cela, l'obsession d'une certitude... Comme si je pouvais la trouver dans ma brume, en dehors du monde...
- Mais cette certitude, à quoi vous servirait-elle?
- A quoi? Hé bien... Je ne sais pas... Peut-être à... Mais au fond je crois que je préfère la chercher plutôt que la trouver... Ce serait terrible de la trouver, ce serait la fin en quelque sorte. Je comprends maintenant ce que je cherche en étudiant l'anthropologie dogmatique...
Silence...
- Je cherche à maîtriser ce savoir impossible au fondement de l'homme... Ce savoir que je ne voudrais trouver pour rien au monde... Je suis dans une contradiction terrible...
Silence...

Julien Boutonnier

Aucun commentaire: