lundi 4 juin 2012

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Joseph a commencé la deuxième séance comme ceci:
- Vendredi, quand je suis sorti de chez vous, je me sentais bien. J'étais comme nettoyé... J'avais le sentiment que ma vie ne serait plus quelque chose que je subirais, que désormais j'aurais prise sur mon existence. Je suis rentré. J'étais pressé de retrouver Clarisse, de partager du temps avec elle... Mais quand je l'ai rejointe, il m'est apparu qu'il faudrait d'abord lui témoigner de mon état avant de partager quoi que ce soit. Parce qu'elle en était restée à ma dépression. Elle ne savait pas que j'allais mieux. Comment lui expliquer que j'allais bien parce que j'avais pris conscience que mon malaise trouvait son origine, non pas dans notre relation amoureuse, mais ailleurs, dans une cause dont j'ignorais tout? Cette explication m'a semblé factice. Mon mieux-être s'en est trouvé invalidé, tout de suite, comme une erreur, comme une faute... comme une prétention de ma part... Je me suis effondré. C'était violent... Je me suis fait expulser de ma propre vie. A nouveau, je suis devenu ce regard distancié, exilé, qui juge négativement ce que je suis... Je me suis vu, minable, silencieux devant Clarisse, incapable de lui dire quoi que ce soit... si nul... je me suis détesté... Dans ma tête, je hurlais: T'es une merde! Tue-toi! Joseph, t'es une merde! Mon visage, lui, restait impassible, comme mort... Je sentais mes traits, la peau de mes joues, mes lèvres... tout mon visage pesait comme une matière morte sur mes os, prêt à se décoller et à tomber sur le sol. Clarisse m'a demandé comment s'était déroulée ma visite chez vous... Je crois que ça va être long, je lui ai répondu en regardant mes pieds.
Silence...

Julien Boutonnier

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